Après le décret de dissolution des Soulèvements de la Terre et les diverses positions tenues par le gouvernement, la situation est de plus en plus inquiétante pour les écologistes de France. Surfant sur la réactance d’une partie de la population, il n’hésite ainsi pas à traiter les militants pour la planète comme de véritables terroristes. Décryptage d’une menace politique pour la défense du vivant.
La célèbre phrase de Margaret Thatcher « There is no alternative » semble définitivement guider chaque action d’Emmanuel Macron et de ses ministres. Tout ce qui sort du cadre de pensée de l’ordre établi et du capitalisme libéral est désigné comme « extrémiste ».
Pourtant, comme rappelé dans un article précédent, les politiques à l’œuvre actuellement sont elles-mêmes très excessives à bien des niveaux. Par ailleurs, placer sur un même plan l’extrême gauche et l’extrême droite est également un comportement confusionniste très dangereux. Mais il l’est encore plus lorsqu’il décide d’englober les écologistes dans ce cadre afin de discréditer leurs actions de défense de la dignité du monde vivant. Mise au point essentielle.
La vraie menace est l’inaction écologique
Le risque de cette criminalisation est d’autant plus important qu’il conduit les individus ne souhaitant pas remettre en cause leurs habitudes à marginaliser les écologistes et par extension l’écologie en général. Or, en procédant ainsi, les politiciens finissent par décrédibiliser totalement la parole des scientifiques qui tentent d’alerter sur l’urgence absolue de la situation environnementale, et ce depuis déjà des décennies.
Pourtant, la menace réelle réside évidemment dans l’inaction. C’est d’ailleurs précisément pour cette raison que de plus en plus de militants ne se contentent plus de protester, mais s’opposent concrètement aux pratiques nocives de nos dirigeants et des grands industriels. En effet, face à la violence capitaliste, se défendre peut s’avérer légitime, rappelle-t-on dans un précédent dossier.
Assimilés à des terroristes
Longtemps, les défenseurs du capitalisme se sont contentés de lancer des anathèmes à l’encontre des environnementalistes, les discréditant sans véritables arguments ou les usurpant à grands coups de greenwashing afin d’endormir l’esprit critique, et surtout de rébellion. Aujourd’hui, les classes dirigeantes semblent toutefois franchir une nouvelle étape dans l’échelle liberticide en assimilant franchement les écologistes qui menacent leur modèle dominant à des criminels, et même à des terroristes, sur la base de syllogismes malhonnêtes et infondés sur le plan des sciences sociales.
Lorsque, profitant de l’effroi engendré par l’assassinat de Samuel Paty, le gouvernement avait mis en place une « loi contre le séparatisme », censée faire respecter les « principes de la République » (selon la Macronie, évidemment), les activistes écologistes avaient déjà averti qu’ils allaient faire les frais de cette loi. Force est de constater, aujourd’hui, qu’ils avaient on ne peut plus raison.
Ainsi, lorsqu’on lit le décret de dissolution des Soulèvements de la Terre, on prend la pleine mesure du caractère totalement arbitraire et injuste de cette décision. Certains arguments avancés ont en effet de quoi faire bondir. Dans le texte, les écologistes du mouvement sont ni plus ni moins assimilés à des terroristes provoquant des « des agissements violents à l’encontre des personnes ou des biens ». Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, évoquait même des « éco-terroristes ».
Des justifications ahurissantes
Dans ce décret, le gouvernement n’hésite pas à renverser totalement la charge de la violence sur les manifestants. Depuis les Gilets Jaunes, ceux-ci savent qu’ils seront brutalement réprimés par les forces de l’ordre. Et pourtant les autorités leur reprochent de s’organiser pour se protéger et se défendre.
Le document explique ainsi que « le port du masque FFP3 et de lunettes de protection contre les gaz » préconisé par le mouvement serait un « mode opératoire inspiré des blacks blocks ». Se prémunir contre les gaz envoyés par la police serait donc devenu une incitation à la violence d’après les conclusions à peine croyables du rapport.
Dissolution des Soulèvements de la Terre :
Sauver les intérêts capitalistes, criminaliser les écologistes, laisser la planète brûler. #MerciMacron
Soutien @lessoulevements
Source : https://t.co/qCrvfsK1sp #soulevementsdelaterre #Dissolution pic.twitter.com/RgpyeYh5lT
— Allan BARTE (@AllanBARTE) June 22, 2023
Dans la même veine, le papier dénonce « le port de tenues interdisant leur identification par les forces de l’ordre, en contradiction avec les habitudes des militants écologistes de manifester à visage découvert, le fait de laisser son téléphone mobile allumé à son domicile ou de le mettre en “mode avion” en arrivant sur les lieux de la manifestation pour éviter le bornage, le fait de ne pas communiquer les codes de déverrouillage de l’appareil ou de ne pas répondre aux forces de l’ordre en cas d’interpellation ».
Ne pas accepter de se faire espionner et de se faire ficher arbitrairement par le gouvernement serait alors devenu suspect. Et peu importe, selon ce même rapport donc, que le refus de donner accès à son smartphone sans la présence d’un avocat soit tout à fait légal.
Le droit au silence et la présomption d’innocence méprisés par le gouvernement.
Parmi les arguments de la dissolution des @lessoulevements le décret mentionne le fait de ne pas répondre aux questions des enquêteurs et de soutenir des personnes interpellées.#droitsdeladéfense https://t.co/9k5fp85N3T
— Raphaël Kempf (@raphkempf) June 21, 2023
L’absence de démocratie ne laisse plus le choix
En procédant ainsi, le gouvernement traite de la même façon des personnes qui s’insurgent contre l’inaction environnementale et des fondamentalistes religieux qui organisent des tueries de masse pour terroriser une population.
Oui, certains écologistes ont effectivement enfreint la loi, allant jusqu’à la destruction de biens. Pour autant, peut-on parler d’État de droit lorsqu’il n’existe aucune démocratie ? Que faire contre des règles établies à l’encontre de la survie de l’espèce humaine quand nous ne disposons d’aucun levier populaire pour les combattre ?
Laisser faire la destruction du monde n’est-il pas bien plus illégal au regard de nos devoirs citoyens envers les prochaines générations de vivants ? Doit-on laisser les enfants et les êtres vivants de demain être privés d’avenir parce qu’attaquer des structures inanimées est considéré plus violent ? Lorsque la loi est injuste, n’est-il pas de notre devoir de ne pas s’y soumettre ?
Confusion sur la violence
Même en se reposant uniquement sur les élections (ce qui est absurde en sachant que la volonté populaire ne porte que sur des candidats et non sur des lois au cas par cas), il n’existe aucune garantie que nos « représentants » respectent leur parole. Que reste-t-il aux militants pour la planète si ce n’est l’action concrète de terrain, quand bien même elle serait illégale ?
Il faut d’ailleurs bien souligner que les écologistes ne prônent pas d’atteinte à l’intégrité des personnes. Le décret n’hésite pas à brouiller les pistes en associant sciemment les dégradations matérielles à la violence physique. Pourtant, les affrontements entre manifestants et forces de l’ordre n’existent que parce que ces dernières répriment sévèrement les initiatives des protestataires et parce qu’elles sont les garantes de lois antidémocratiques et de politiques internes injustement répressives.
La bonne et la mauvaise écologie
La politique du gouvernement est d’autant plus dangereuse que ce dernier ne renie pas le concept d’écologie. Il a bien compris qu’une part grandissante de l’électorat se souciait malgré tout de ce sujet.
Néanmoins, il fonde son action environnementale sur un greenwashing massif, ne remettant pas une seule seconde en question nos modes de vie, le productivisme, le consumérisme et encore moins le capitalisme.
Ceux qui au contraire défendent une écologie de rupture avec notre système sont relégués au rang de marginaux et d’extrémistes. Et pourtant, les scientifiques et les spécialistes (notamment le GIEC) sont clairs : le changement doit être radical.
Le GIEC rappelle que "limiter le réchauffement mondial à +1.5°C ne sera plus possible sans une baisse immédiate et à large échelle des émissions de GES".
La radicalité est la seule solution. pas les demies mesures, pas les fausses promesses. https://t.co/Inho3CTOxv
— Bon Pote (@BonPote) November 30, 2021
La politique techno-solutionniste et relativiste basée sur le mythe de la croissance et les petits gestes n’a aucune chance d’apporter les solutions nécessaires à la survie de l’humanité, ce qui n’empêche pas le gouvernement d’affirmer le contraire. Moquant la décroissance en la comparant à un mode de vie amish – ou en laissant ses ministres parler de “Dictature verte”, de “Khmers verts” ou “d’Ayatollah de l’écologie” totalement fantasmés – Emmanuel Macron a déjà fait montre de son incompétence sur le sujet.
De l’huile sur le feu
En criminalisant, de manière absurde et manipulatrice, les mouvements écologistes radicaux qui sont parmi les seuls à agir significativement en faveur de l’environnement, les néolibéraux conduisent l’humanité droit dans le mur.
De surcroît, en se comportant de la sorte, ils alimentent à toute vitesse le sentiment d’injustice dans la société. Tandis que la tension est déjà très importante au niveau social, mais aussi à l’échelon démocratique, ce refus de prendre un virage paradigmatique nécessaire – pour des raisons qu’on sait de plus en plus liées aux intérêts de micro-classes de pouvoirs – risque bien de faire exploser la colère de millions de Français.
– Simon Verdière
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