Ces 10 crises humanitaires passées sous silence

9 months ago 109

Comme chaque année, l’association de solidarité internationale CARE publie le rapport Breaking the silence, destiné à mettre en lumière les 10 crises humanitaires les moins médiatisées au monde. Zoom sur ces désastres dont personne ne parle.

Dans ce monde baigné d’absurdités mortifères, alors que Barbie a fait l’objet de 273 279 articles en ligne à l’échelle planétaire en 2023, la cause des 7,3 millions de personnes qui ont besoin d’aide humanitaire en Angola n’a bénéficié que de 1 049 articles à travers le monde.

En première ligne du dérèglement climatique 

Tel est le triste constat de l’ONG CARE qui souligne que l’Angola demeure cette année encore au sommet du podium des crises les plus oubliées. L’association ne manque pas de rappeler qu’une grande partie de ces désastres tombés dans l’oubli sont directement liés au changement climatique, qui, par les conditions météorologiques extrêmes qui en découlent, exacerbe l’insécurité alimentaire, la pauvreté et les déplacements forcés de population.

En 2023, à peine plus d’un tiers des ressources financières nécessaires à l’aide humanitaire ont été délivrées, tout en sachant que 2024 va requérir de nouveaux soutiens pour les populations des pays pauvres, victimes depuis des années des conséquences du modèle de société occidental qui ravage la planète.

« Les besoins humanitaires mondiaux n’ont jamais été aussi importants qu’en 2023. Si les tremblements de terre en Syrie et en Turquie, la guerre en Ukraine et l’escalade du conflit au Moyen-Orient ont fait la une des journaux, ce ne fut pas le cas de nombreuses crises touchant des millions de personnes sur le continent africain. Ces crises ne sont pourtant pas nouvelles mais peinent à attirer l’attention des médias à l’heure où un changement de narratif est impératif pour sortir de la fausse impression que ces crises sont sans espoir » – Fanny Petitbon, responsable du plaidoyer chez CARE France

Angola : 7,3 millions de personnes ont besoin d’aide humanitaire

En 2023, des millions de personnes vivent en Angola dans des conditions désastreuses. Comme beaucoup de zones méridionales, le pays subit de plein fouet le changement climatique. Le sud est particulièrement affecté, soumis régulièrement à des sécheresses prolongées, des crues soudaines et des incendies de forêt.

Au 30 juin 2023, selon le rapport de l’UNICEF, on dénombrait 3,8 millions de personnes, dont 2 millions d’enfants ayant besoin d’une aide humanitaire. Un chiffre qui a donc doublé en à peine quelques mois. Les femmes et les filles sont particulièrement touchées par cette crise. Selon l’ONG CARE, seuls 28 % de la population rurale ont accès à l’eau potable et la santé de la population est mise à mal l’insécurité alimentaire et la malnutrition. Une situation exacerbée notamment par une pauvreté ambiante, alors que le chômage bat son plein.


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Connu pour la guerre civile qui a ravagé le pays pendant plusieurs décennies et tué 500 000 personnes, l’Angola est aujourd’hui un des États où l’on retrouve le plus de mines terrestres au monde. Celles-ci ont été responsables de milliers de morts et de dizaines de milliers de blessés, sans parler de la contamination qui leur est liée et qui a conduit à un exode rural faisant grimper le nombre d’habitants de la capitale, Luanda, à plus de 9 millions.

Zambie : 1,35 million de personnes n’ont pas assez à manger

Avec à peine 1371 articles dans la presse internationale pour traiter du sujet en 2023, la Zambie est le second pays à faire le moins de gros titres et c’est loin d’être la première année qu’il se positionne près du top de ce macabre classement. Plus de 60 % de la population y vit sous le seuil de la pauvreté et 1,35 millions de personnes y sont sous-alimentées.

Soumis également aux aléas du changement climatique, ce pays d’Afrique australe subit une irrégularité et une intensification grandissante des évènements météorologiques avec une alternance entre inondations et températures extrêmes accompagnées de sécheresses. L’accès à l’électricité est lui aussi irrégulier, pour des millions de personnes, étroitement lié à la quantité d’eau disponible pour faire fonctionner le barrage hydroélectrique de Kariba.

« Climate Heroines » (Les héroïnes du climat) @Peter Caton/CARE

Burundi : 5,6 millions d’enfants souffrent de malnutrition chronique

« La dernière fois que ce petit pays d’Afrique de l’Est a fait les gros titres, c’était en été 2023, lorsque 10 handballeurs burundais se sont échappés de la Coupe du monde des moins de 19 ans en Croatie pour tenter de fuir leur pays d’origine. » peut-on lire dans le rapport de CARE. Un acte désespéré, face à une situation désespérée.

Dans ce pays le plus densément peuplé au monde et où le PIB est le plus bas à l’échelle planétaire, les bouleversements politiques et les conflits ont longtemps été légion. Les catastrophes naturelles ne sont pas en reste et conduisent à des déplacements inévitables de dizaines de milliers de personnes. Selon les estimations, 2,3 millions de personnes souffrent d’une grave insécurité alimentaire et plus de la moitié des enfants sont victimes de malnutrition chronique. Dans un contexte déjà très difficile, l’inflation a fait grimper le prix des produits de première nécessité de 40 %.

Burundi – Makombe transit site @NINON NDAYIKENGURUKIYE / CARE

Sénégal : 1,4 million de personnes sont touchées par l’insécurité alimentaire

C’est la première fois en huit ans que le Sénégal entre dans le classement des crises les moins médiatisées. L’agriculture y est gravement affectée par le changement climatique avec une augmentation de la durée des périodes sèches et, a contrario, des inondations de plus en plus fréquentes et imprévisibles. L’inflation a également un effet désastreux sur l’économie du pays et la sécurité alimentaire de la population.

L’augmentation des prix des denrées alimentaires a été fulgurante. Depuis 2022, le nombre de personnes souffrant de la faim a augmenté de 60 %. Les femmes et les filles sont les premières à être touchées par cette crise en raison d’inégalités entre les sexes, notamment en ce qui concerne les ressources financières et la possibilité de s’exprimer. Les déplacements pour fuir les conflits exposent particulièrement les femmes et les filles aux violences et aux agressions.

Mauritanie : Une personne sur quatre vit dans la pauvreté

Située sous le Sahara occidental, la Mauritanie fait partie des pays les plus pauvres au monde. Son climat étant particulièrement sec, les précipitations y sont habituellement insuffisantes. Toutefois, ces deux dernières années, le pays a été sujet à des graves inondations qui ont causé la destruction des récoltes, mais aussi la mort de nombreuses personnes et animaux d’élevage. La Mauritanie est un des pays les plus affectés par le réchauffement climatique dont les conséquences sont aggravées par l’urbanisation.

Plus d’un demi-million de personnes ne mangent pas à leur faim et 22 % de la population souffre de la pauvreté qui touche surtout les régions rurales. Les femmes, sujettes à la discrimination et au travail non rémunéré, sont particulièrement affectées. En outre, 37 % des filles sont mariées avant 18 ans. Les grossesses précoces, trop rapprochées, ou inadéquatement prises en charge, mais aussi les mutilations génitales, sont la cause de nombreux décès de femmes chaque année. Le travail des enfants quant à lui, touche 12,5 % des 5 à 14 ans dans le pays.

République centrafricaine : 6e taux de mortalité infantile le plus élevé au monde

Pauvreté et violence prédominent dans ce pays qui n’a jamais pu quitter la liste élaborée par l’ONG CARE depuis la création de celui-ci. Seuls 8 274 articles y ont été consacrés en 2023 alors que le pays subit depuis 10 ans un violent conflit armé qui plonge la population entière dans l’insécurité.

Pénuries, pauvreté, et manque d’accès à l’éducation et aux soins frappent les Centrafricains de plein fouet depuis des années, avec aujourd’hui une nette aggravation. Les déplacements inévitables de la population concernent une personne sur cinq et le nombre d’individus ayant besoin de protection et d’assistance est estimé à 3,4 millions. 5 000 cas de violences contre les femmes et les filles ont été recensés rien qu’au premier trimestre de 2023. Le pays est classé 188e sur 191 en matière d’inégalités entre les sexes.

Cameroun : Une personne sur six a besoin d’aide humanitaire

Pays d’Afrique du Centre-Ouest, le Cameroun subit les conséquences de trois crises simultanées. En 2023, 4,7 millions de personnes avaient un besoin urgent d’aide humanitaire. Les conflits armés et les groupes armés non étatiques exercent une pression intenable sur la population dont une grande partie doit être déplacée tandis que le pays lui-même doit accueillir des centaines de milliers de réfugiés des pays voisins.

Les populations en déplacement deviennent dépendantes de l’aide humanitaire étant donné que cela signifie pour elles l’abandon de terres cultivées. Au Cameroun, 3 millions de personnes souffrent d’insécurité alimentaire, nombre qui a augmenté de manière alarmante en à peine un an. Les aléas climatiques n’ont pas non plus épargné le pays ces dernières années et augmentent considérablement la faim dans le pays.

@CARE

Burkina Faso : 8,8 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté

Depuis de nombreuses années, le Burkina Faso est sujet à de graves violences qui conduisent à des déplacements massifs de la population. Conflits armés et coups d’État militaires ont marqué ce pays, un des plus pauvres au monde, ces dernières années. Insécurité alimentaire et attentats sont aujourd’hui le quotidien d’une grande partie des Burkinabè dont près de la moitié vivent sous le seuil de la pauvreté.

Il s’agit ici de la pire crise humanitaire de l’histoire du Burkina Faso. Là aussi, le changement climatique fait des ravages et crée des famines. Les femmes et les enfants sont les premiers à devoir fuir leurs foyers, ce qui les confronte à davantage d’insécurité alimentaire, un accès encore plus limité à l’éducation et un risque supérieur pour les femmes d’être sujettes à des violences liées à leur genre.

@ Rakietou Hassane Mossi / CARE Niger-Burkina Faso

Ouganda : Le taux de mortalité maternelle est de 284 pour 100 000 naissances vivantes

Pays à l’extraordinaire biodiversité, l’Ouganda est également une terre d’accueil pour 1,5 millions de réfugiés, ce qui en fait le pays d’Afrique à accueillir le plus de personnes déplacées. Cela accroît la pression sur les communautés locales et l’intégration des réfugiés est très difficile.

Pays ayant l’un des plus bas PIB au monde, l’Ouganda subit également de plein fouet les conséquences désastreuses du réchauffement climatique, qui met à mal l’agriculture à cause d’évènements extrêmes tels que les inondations, les sécheresses, les glissements de terrain, les incendies, les vents violents, mais aussi les tempêtes de grêle qui ont détruit de nombreuses maisons et établissements publics, et ont contaminé des systèmes de distribution de l’eau.

La croissance démographique crée à son tour des difficultés pour la population qui souffre d’insécurité alimentaire et d’un accès insuffisant aux services de base, plus particulièrement la santé, conduisant à une mortalité maternelle très élevée.

@ CARE Deutschland/ Nyokabi Kahura

Zimbabwe : Près de 8 millions de personnes sont touchées par l’extrême pauvreté

© John Hewat/CARE

Changement climatique, revenus insuffisants et inflation ont rapidement créé au Zimbabwe une situation humanitaire instable. La moitié de la population souffre d’extrême pauvreté. Le climat est imprévisible et les évènements météorologiques extrêmes affectent les terres arables en sachant que près de 3/4 de la population dépendent de l’agriculture pluviale.

L’insécurité alimentaire conduit à des retards de croissance chez 27 % des enfants. Les épidémies, de typhoïde et de choléra notamment, sont récurrentes. La situation requiert des investissements dans les installations d’eau qui sont actuellement de piètre qualité et favorisent la propagation des maladies.

Ce constat est d’autant plus terrible puisqu’il vient confirmer que les premières victimes des écocides et du dérèglement climatique sont celles qui n’en sont pas responsables; tandis que les plus riches des populations occidentales, coupables, sont à même de pouvoir s’en protéger.

Elena M.


Photographie de couverture : Climate Heroines (Les héroïnes du climat) – Febby Zambia @Peter Caton/CARE

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