Alors que la crise sanitaire a mis en évidence les rouages étroits et fragiles qui structurent notre système alimentaire, des citoyens se mettent en action pour renforcer la résilience alimentaire de leur localité. À Hyères, l’écolieu du Plan du Pont se donne pour mission d’associer préservation de l’environnement, lutte contre la précarité alimentaire et engagement citoyen.
À deux kilomètres du centre-ville d’Hyères, dans le département du Var, une ancienne plaine agricole est abandonnée depuis quelques années. Il n’en faut pas plus pour convaincre quelques aventureux de se lancer dans un projet riche de sens : la remise en culture – en collectif et en agroécologie – de ces terres agricoles laissées à l’abandon.
Redonner vie au lieu
Si le projet semble périlleux, l’objectif n’en est pas moins ambitieux : participer à nourrir la population locale, préserver la biodiversité et cultiver la convivialité. « En 2020, conscients que la préservation et la remise en production des terres agricoles sont essentiels pour l’avenir de notre région et sa résilience face à la crise environnementale et sanitaire, nous proposons à Franck Boissonnet, actuel propriétaire des terrains, de remettre en production des terres agricoles abandonnées de la ferme du Plan du Pont », explique le collectif. « En 2021, l’association se crée ».
Trois ans plus tard, l’écolieu du Plan du Pont couvre à présente 10 hectares des terres périphériques de la ville. Grâce aux 150 adhérents de l’association, plusieurs projets s’y sont implantés pour redonner vie aux terres autrefois abandonnées : une parcelle de maraichage collectif, un jardin méditerranéen conservatoire d’espèces endémiques en zone Natura 2000 et un large terrain forestier.
Un triple objectif ambitieux
Aujourd’hui, divers acteurs collaborent en vue de faire évoluer du projet. « L’écolieu du Plan du Pont est un tiers-lieu étendu sur 10 ha et labellisé en Agriculture Biologique. Il est riche de 150 adhérents, 120 arbres fruitiers et 1 hectare de jardin maraicher regroupant des partenaires variés comme des jeunes agriculteurs, des associations de lutte contre la précarité alimentaire ou de sensibilisation aux enjeux environnementaux », détaillent les acteurs du projet.
Tous s’entendent autour de trois objectifs : la remise en culture des terres en suivant les principes de l’agroécologie, la sensibilisation du grand public à l’alimentation durable et la lutte contre la précarité alimentaire. Un triptyque qui semble tout indiqué à l’aube d’une transition majeure et indispensable de nos modes de vie.
Le lieu accueille ainsi familles et groupes scolaire afin de sensibiliser les plus jeunes à la démarche de l’alimentation durable, tout en permettant en parallèle aux bénéficiaires de l’aide alimentaire de participer aux sessions jardinage ou aux sans-abris de bénéficier des légumes cultivés grâce à un partenariat avec une maraude de la ville.
Au programme : autonomie et la solidarité alimentaire
En effet, les organisateurs sont conscients des inégalités structurelles qui jalonnent le secteur de l’alimentation. « Les associations de l’aide alimentaire rencontrent de grandes difficultés à s’approvisionner en produits frais, de qualité et locaux. L’écolieu du Plan du Pont a donc imaginé le verger comme un moyen de faire évoluer l’aide alimentaire, en s’associant avec des associations comme les restos du coeur et le secours populaire ».
Le collectif espère ainsi renforcer l’autonomie et la solidarité alimentaire en distribuant les récoltes de fruits et légumes bios – généralement réservée aux ménages les plus aisés – aux bénéficiaires des associations partenaires, tout en développant les liens sociaux, interculturels et intergénérationnels « pour rompre l’isolement, soutenir la confiance, insuffler le goût du faire-ensemble et démontrer la puissance et les vertus du collectif sur le bien-être des individus ».
Au delà de ces activités, l’écolieu du Plan du Pont propose également aux habitants de la localité des repair-café, des apéros-philo et diverses fêtes et évènements pédagogiques afin de cultiver la convivialité. Tous les lundis et jeudis, ainsi qu’un samedi par mois, des chantiers participatifs sont également animés sur le terrain par un coordinateur technique diplômé.
Pour le collectif, la tenue des ces ateliers présentent plusieurs avantages, et permettent la transmission « des connaissances et des savoir-faire dans la convivialité, afin de semer, préparer la terre et planter les légumes qui sont ensuite récoltés et répartis entre les participants et pour les repas solidaires préparés et distribués les mercredi soir, par la Fourmi’Hyères, aux sans abri de la ville ».
Un verger solidaire
Fort de cet élan d’engagement et de solidarité qui pousse le lieu depuis sa création, le collectif innove avec un nouveau projet : « après avoir créé un jardin collectif depuis 2021, l’association l’écolieu du Plan du Pont se lance dans une nouvelle aventure : aménager un verger de 1 000 arbres sur 2,5 hectares ». D’ici 3 ans, l’organisation espère avoir compter plus d’un millier d’arbres et arbustes sur le terrain, sans oublier les planches de cultures maraîchères à leurs pieds.
Pour faire sortir de terre ce projet, l’écolieu compte sur la puissance du collectif. Divers partenaires publics et privés ont déjà choisi de soutenir le projet, comme la Fondation Etrillard qui lui a décerné le Prix du patrimoine naturel en 2023, la Région Sud et la Métropole Toulon Provence dans le cadre du Projet Alimentaire Territorial.
« Une collecte de fonds auprès du public a également été ouverte sur Ulule pour récolter au minimum 15 000 euros et compléter ces différents soutiens », expliquent les organisateurs de la campagne. « En effet, outre l’achat des arbres, le projet nécessite de clôturer le terrain, l’aménagement d’un système de récupération des eaux de pluies pour limiter l’irrigation, ainsi que l’installation de haies et de mares écologiques pour favoriser la biodiversité ».
La force du collectif comme levier d’évolution
En plus de la partie destinée aux cultures, ce même terrain abritera également une bergerie accueillant un troupeau de 50 chèvres et moutons de l’association Bêle Colline qui pratique l’éco-pâturage. Une quarantaine de ruches ont en outre déjà été installées en novembre 2022 par Kevan Barros, apiculteur et membre de l’association. « Elles permettront de participer à la pollinisation du jardin et du verger », souligne l’écolieu.
Terry Charles, aviculteur et adhérent, installera quant à lui un poulailler mobile sur le terrain, participant à la fertilisation du verger : « Les espaces verger et élevage ont été séparés par la création de haies sèches permettant de protéger le futur verger et de favoriser la biodiversité ».
« D’autres aménagements sont prévus », soulignent encore le collectif, avec la réalisation d’une cuisine destinée à la transformation des aliments ou d’une miellerie pédagogique envisagée en partenariat avec des apiculteurs. Finalement, le projet tente avant tout de rester fidèle à ses valeurs d’origine, tout en mobilisant le potentiel de ses adhérents.
– L.A.
Photo de couverture : Collectif de l’écolieu du Plan du Pont. Crédits : écolieu du Plan du Pont
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