5 septembre 2017, l’ouragan Irma s’approche des Antilles. Son diamètre est de plus de 500 km et les vents qu’il produit dépassent les 300 km/h.
Dans les Antilles, sur les îles Saint-Martin et Saint-Barthélemy, tous les acteurs de la gestion de crise s’organisent dès le début de cet épisode exceptionnel. Les services de l’État et la sécurité civile passent les territoires en « alerte violette » ; les experts et ingénieurs fournissent les éléments techniques au suivi de la crise ; les citoyens, rapidement confinés, apportent leur solidarité aux plus touchés.
Malgré cette mobilisation, le bilan est catastrophique dans la région avec des dizaines de morts et des millions d’euros de dégâts sur les bâtiments et les infrastructures.
Retours d’expériences et pistes d’amélioration
En décembre 2017, quelques mois après le passage dévastateur d’Irma, l’Agence nationale de la recherche décide de lancer un appel à projets centré sur les questions de vulnérabilité, de reconstruction, de relèvement et de résilience. Quatre projets sont financés pour analyser le retour d’expérience sur les territoires impactés par Irma.
En novembre 2022, lors du colloque de restitution de ces travaux, la grande implication des acteurs face à cette catastrophe est soulignée, mais des pistes d’amélioration sont également dessinées.
Augmenter les capacités d’adaptation des territoires isolés, mieux décrire les caractéristiques socio-économiques des biens exposés, anticiper les crises pour y faire face le plus efficacement possible, autant de points identifiés pour améliorer la gestion des futures catastrophes dans les régions ultramarines.
Pour une approche globale et intégrative des savoirs
Plus globalement, c’est une certaine vision intégrée de la gestion des crises et des risques qui doit être reconsidérée.
Ceci est d’autant plus urgent que le dérèglement climatique provoque une nette augmentation des événements dus aux phénomènes naturels intenses, tels que les pluies, les inondations ou les fortes chaleurs, eux-mêmes sources potentielles de catastrophes technologiques et industrielles. L’effet « cascade » observé à Fukushima en 2011 montre ainsi qu’un séisme sous-marin peut engendrer un tsunami venant submerger une zone littorale et impacter une centrale nucléaire.
La sécurité de nos sociétés est donc clairement devenue une question globale et complexe où les risques naturels, technologiques, environnementaux et sociétaux doivent être considérés ensemble.
Pour faire face à la multiplication de ces situations, il est nécessaire de consolider, de stimuler et de coordonner l’effort de recherche national sur les risques. Construire une approche globale et intégrative des savoirs, fédérant les géosciences, les sciences du climat et de l’environnement, l’ingénierie, les sciences de l’information, ainsi que les sciences humaines et sociales devient un enjeu majeur.
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Ces disciplines sont aujourd’hui fortement impliquées dans ces problématiques, mais travaillent encore trop souvent en silos et sans interaction directe avec la société.
Les motivations de la communauté scientifique sur le sujet sont aujourd’hui assez fortes pour engager un effort inédit en France et pour faire émerger des synergies permettant le développement d’approches méthodologiques complémentaires.
Ces objectifs sont au cœur d’une initiative inédite, un nouveau programme et équipement prioritaire de recherche (PEPR), Irima (pour « Gestion intégrée des risques pour des sociétés plus résilientes à l’ère des changements globaux »). Retenu dans le cadre du plan d’investissement France 2030 et géré par l’ANR, ce programme sera coordonné par le BRGM, le CNRS et l’Université Grenoble Alpes.
Une nouvelle science des risques
Irima a pour objectif de formaliser une nouvelle « science des risques » dédiée à leur gestion dans un contexte de changements climatiques et sociaux.
Ce programme met en œuvre une série de recherches et d’expertises (d’observation, d’analyse ou d’aide à la décision) pour aider les sociétés à faire face à un ensemble de menaces (tempêtes, submersions, séismes, accidents technologiques, sanitaires, et leurs interactions), et de mieux s’adapter pour être plus résilientes et plus soutenables. En effet, gérer l’ensemble des risques affectant un territoire permet d’identifier des solutions de réduction globales et long terme.
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Ce projet est construit autour d’un partenariat français fédérant les grandes universités et les organismes de recherche agissant dans le domaine des risques naturels, technologiques et environnementaux.
Pour favoriser cette dynamique transdisciplinaire, Irima déploiera sur huit ans des appels à projets novateurs et multidisciplinaires, soutiendra des équipes de recherche fédérées autour de thèmes ciblés (risques côtiers et de montagne, risques outre-mer et zone intertropicale, risques technologiques, risques et sociétés), développera une politique incitative auprès des jeunes scientifiques et des partenariats internationaux, ainsi qu’une infrastructure de plates-formes numériques.
Ces activités devraient faciliter l’élaboration de feuilles de route de recherches communes, optimiser l’utilisation des équipements et articuler les activités d’expertise, d’enseignement, de formation et de collaboration. Les premiers appels à projets seront lancés dès 2023.
Didier Georges (Université Grenoble Alpes) est co-auteur de cet article.
Gilles Grandjean est coordinateur du PEPR Irima.
Soraya Boudia est coordinatrice du PEPR Irima.