Table des Matières | Chapitre 1 | Chapitre 2 | Chapitre 3 | Chapitre 4 | Chapitre 5 | Chapitre 6 | Chapitre 7 | Chapitre 8 | Chapitre 9
[Les versions françaises des différents chapitres de ce guide seront publiées au fil des semaines.]
Au Mozambique, la découverte d’importants gisements de rubis et de gaz naturel en 2017 était censée être une aubaine pour ce pays pauvre. Mais elle n’a fait que semer le chaos. Pendant des années, des fonctionnaires corrompus ont pillé les ressources publiques. La conjugaison de ce facteur à la propagation du crime organisé a fait le lit de mouvements islamistes, générant une plus grande instabilité, une pauvreté accrue et une augmentation des violations des droits humains.
Le crime organisé est un phénomène mondial. Mais il touche durement l’Afrique, à cause de la corruption qui y est profondément enracinée et la“ malédiction des ressources” qui y prévaut.Le cas du Mozambique n’est qu’un exemple parmi tant d’autres sur le continent. Le terrorisme a transformé des régions entières de ce continent en ce qu’un expert en sécurité en Afrique a appelé, en s’adressant au Conseil de sécurité de l’ONU, des “abattoirs d’êtres humains“. Le crime organisé a engendré une véritable épidémie d’activités illégales, faisant des institutions des complices du pillage en règle des ressources de leurs pays.
Le crime organisé est un phénomène mondial. Mais il touche durement l’Afrique, à cause de la corruption qui y est profondément enracinée et la“ malédiction des ressources” qui y prévaut. Selon les Nations unies, l’Afrique déplore un manque à gagner annuel qui atteindrait les 89 milliards de dollars en mouvements illicites de capitaux, soit l’équivalent de près de deux fois l’aide financière que ce continent reçoit de la communauté internationale. Cela explique en partie pourquoi, selon la Banque mondiale, huit des 10 pays au monde où l’inégalité est la plus importante se trouvent en Afrique. Dans ces pays, les élites s’enrichissent souvent grâce aux liens qu’elles entretiennent avec toutes sortes de trafiquants, contrebandiers, dealers corrompus et autres intermédiaires. Ces pillages et ce racket font que la plus grande partie de la population est pauvre et désespérée – un terrain fertile pour les groupes armés et les mouvements rebelles. Ce n’est pas un hasard si c’est l’Afrique qui abrite le plus important groupe affilié à Al-Qaïda, Al-Chabab, tandis que Daech y étend aussi rapidement son influence et gagne du terrain.
Pour toutes ces raisons, l’Afrique connaît un des niveaux de criminalité les plus élevés au monde : elle occupe la deuxième place, après l’Asie, selon l’Indice de la criminalité organisée. Le pillage des ressources, la fraude, le blanchiment d’argent, le trafic d’êtres humains, le braconnage de la faune sauvage, le trafic de stupéfiants et autres délits coûtent chaque année des milliards de dollars aux pays africains. Les puissants cartels de la drogue en Amérique latine profitent de la position stratégique de l’Afrique et de la faiblesse de l’Etat de droit sur ce continent pour acheminer des quantités record de stupéfiants sur les côtes africaines et, de là, en Europe. Dans le même temps, des trafiquants attirent de jeunes africains dans leurs réseaux de traite d’êtres humains, et des milliers d’entre eux périssent chaque année dans le Sahara ou en Méditerranée.
Ce guide a pour objectif d’aider les journalistes d’investigation et autres groupes de contrôle de l’action publique à allumer des projecteurs sur les différentes formes du crime organisé qui ravagent le continent.Nous sommes confrontés à un phénomène qui ne montre aucun signe de ralentissement. En effet, il corrompt même les institutions qui sont censées le combattre. À GIJN, nous sommes fermement convaincus que les journalistes qui jouent un rôle de chiens de garde ont un rôle crucial à jouer dans ce domaine, mais ils ne le pourront que s’ils disposent des bons outils. Par conséquent, ce guide a pour objectif d’aider les journalistes d’investigation et autres groupes de contrôle de l’action publique à allumer des projecteurs sur les différentes formes du crime organisé qui ravagent le continent. Il comporte neuf chapitres consacrés aux meilleurs moyens pour enquêter sur les domaines suivants : la criminalité environnementale ; la criminalité financière ; les kleptocraties africaines ; le trafic d’armes ; le pillage des ressources extractives ; le trafic de drogue ; les groupes armés ; la criminalité en mer ; et un ramassé d’autres crimes tels que le trafic des migrants et des personnes, la cybercriminalité, la contrefaçon (y compris de médicaments), le trafic du tabac ainsi que le pillage des antiquités.
Pour rédiger ce guide, nous avons fait appel à un groupe exceptionnel de journalistes africains chevronnés et experts régionaux, qui s’inspirent de leurs propres travaux et de ceux d’autres spécialistes basés dans toutes les régions du continent. Ce guide est à la fois un tour d’horizon et un manuel pratique, plutôt qu’une encyclopédie. Nous espérons pouvoir étendre le champ de ce travail, à l’occasion d’une seconde édition.
Quelques mots préalables pour définir le crime organisé. Nous avons adopté la définition au sens large utilisée par l’Indice de la criminalité organisée en Afrique : “Toute activité illégale, menée par des groupes ou des réseaux agissant de concert, se servant de la violence, de la corruption ou d’activités connexes afin d’obtenir, directement ou indirectement, un avantage financier ou matériel. Ces activités peuvent être menées aussi bien à l’intérieur d’un pays qu’à l’échelle transnationale.”
Avec une telle définition, il n’est pas exagéré de dire que le crime organisé est présent dans toutes les régions d’Afrique, qu’il soit le fait de gangs locaux ou d’Etats kleptocrates. Ce qui peut nous donner, à nous, journalistes, suffisamment de matière pour une vie entière. Mais il faut savoir par où commencer, et quels outils utiliser. Dans cette optique, nous espérons que ce guide, le premier du genre consacré au continent africain, sera une référence pour les journalistes, où qu’ils se trouvent, pour enquêter là où c’est le plus utile.
Le Guide d’enquête sur le crime organisé en Afrique a été produit par des journalistes de GIJN : Maxime Koami Domegni et Aïssatou Fofana (responsables projet), Nikolia Apostolou, David E. Kaplan, Reed Richardson et Alexa van Sickle (équipe éditoriale). Les illustrations ont été réalisées par Dominique Mwankumi. Smaranda Tolosano a coordonné les traductions. Nous tenons à remercier tout particulièrement tout le personnel de GIJN, qui nous a assistés à de nombreux égards. Pour en savoir plus sur les différents chapitres et leurs auteurs, voir le sommaire ci-dessous.
Ce guide n’aurait pas vu le jour sans le soutien inappréciable de Global Initiative Against Transnational Organized Crime (GI-TOC), une organisation indépendante de la société civile spécialisée dans la recherche de stratégies nouvelles et innovantes pour lutter contre le crime organisé.
Table des Matières | Chapitre 1 | Chapitre 2 | Chapitre 3 | Chapitre 4 | Chapitre 5 | Chapitre 6 | Chapitre 7 | Chapitre 8 | Chapitre 9
[Les versions françaises des différents chapitres de ce guide seront publiées au fil des semaines.]
Ressources additionnelles
Guide de GIJN pour enquêter sur le crime organisé à travers le monde
Webinaire de GIJN : comment enquêter sur le crime organisé en Afrique
L’essor du journalisme d’investigation sur l’environnement en Afrique
Maxime Koami Domegni est le responsable de GIJN pour l’Afrique francophone et un journaliste d’investigation primé. Il a travaillé comme rédacteur en chef du journal togolais L’Alternative et, basé à Dakar, au Sénégal, pour la BBC Africa en tant que journaliste producteur et planificateur de reportages magazines pour l’Afrique francophone.
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