Sans doute pour une nouvelle fois détourner l’attention de la réforme des retraites, le gouvernement a décidé d’interroger les citoyens sur le sujet très épineux des impôts. Il a ainsi lancé une consultation où « tous les Français sont invités à donner leur avis sur les impôts et l’utilisation qui en est faite ». Analyse d’une mascarade.
S’il y a de quoi fortement douter que « les réponses permettront de tirer des enseignements pour les prochains budgets » comme l’indique le site du gouvernement, Mr Mondialisation s’est prêté au jeu en analysant de près les questions posées et ce qu’il se cache derrière.
Trop d’impôts
Notons d’abord que chacune des demandes propose des réponses prédéfinies. Il ne faudrait surtout pas laisser une occasion aux participants de sortir du cadre : par ce formulaire, le gouvernement cherche avant tout à valider ses propres thèses en orientant les questions de manière bien peu subtile.
Le manège commence dès la première interrogation : diriez-vous que vous payez « trop d’impôts », le « juste niveau » ou « pas assez » ? La réponse attendue est bien entendu celle qui est placée en première position dans l’ordre des choix.
Que le sondé appartiennent aux classes populaires qui sont effectivement écrasées de taxes ou qu’il soit plus fortuné, on se doute qu’il souhaitera débourser moins. Cette réponse permettra alors au gouvernement d’accréditer la thèse que « les Français veulent payer moins d’impôts ».
Toujours plus de cadeaux aux riches
Avec cet argument, le pouvoir macroniste pourra continuer dans sa rhétorique malhonnête de considérer les contributions publiques comme un bloc unique : soit on les baisse/monte/maintient pour tout le monde, soit pour personne.
Et même si dans les faits il est parfaitement possible de les augmenter pour les plus fortunés et de les alléger pour les autres, le néolibéralisme s’appuiera toujours sur ce raisonnement bancal pour multiplier les cadeaux aux plus aisés.
Quand la Macronie se vante d’avoir massivement diminué les impôts du pays, elle oublie d’ailleurs de signaler que cette action a surtout bénéficié aux plus riches et aux grandes entreprises.
Entretenir la confusion
Évidemment, même si le macronisme rêve de privatiser le plus de services publics possible, il aura tout de même toujours besoin de lever des fonds pour maintenir le strict minimum au niveau des infrastructures d’État.
Et puisqu’il ne veut surtout pas augmenter les prélèvements sur les plus riches, les classes populaires doivent continuer à mettre la main au portefeuille. C’est d’ailleurs le sens des questions d’après qui s’enquièrent de savoir si, pour vous, « payer ses impôts est un acte citoyen, nécessaire à la cohésion de la société » et si cela représente « une fierté ». Là encore, difficile de répondre par la négative.
S’en suit une liste de propositions destinées à bien vous faire comprendre que les impôts ont baissé dans le pays. On vous demande d’abord si vous pensez que c’est le cas, puis on vous montre une série d’impôts pour que vous puissiez dire si, selon vous, ils existent toujours actuellement.
Évidemment, ici, ne sont surtout pas évoqués les prélèvements sur les plus riches qui ont été supprimées comme l’ISF. Non, on aborde plutôt des contributions populaires dont tout le monde a entendu parler comme la redevance télé où la taxe d’habitation. Façon de rappeler à chacun qu’effectivement, quelques charges sur les classes moyennes ont bien été abolies (pas à un mot en revanche sur les moyens de les compenser…).
Dans le même temps, on citera quelques impôts moins médiatiques, comme la CVAE ou la TEOM pour créer l’incertitude. Si l’on doute de la suppression de tel ou tel impôt, peut-être n’est-on pas au courant de tout ce que le grand Macron a fait pour nous, n’est-ce pas ?
Coup de grâce pour cette première partie, le questionnaire demande si tout le monde devrait s’acquitter de l’impôt sur le revenu « indépendamment de ses revenus ». Plutôt que mettre à contribution les riches, la Macronie préfère donc nous proposer que tous les pauvres se cotisent un peu plus. Et pour favoriser la réponse attendue, on rappelle insidieusement qu’actuellement « 50 % des Français ne paient pas cet impôt ». C’est oublier que tout le monde paie la TVA, impôt injuste puisqu’il pèse plus lourdement sur les petits budgets, et qui rapporte plus à l’État (97,7 milliards) que l’impôt sur le revenu (82,4 milliards en 2022). Mais mieux vaut monter les plus précaires les uns contre les autres pendant que la grande bourgeoisie se la coule douce.
Mélange malhonnête entre impôts et cotisations
Dans la seconde partie, on nous interroge sur l’utilisation de l’argent public, puis on nous propose une liste de thèmes en nous demandant « quels sont les trois plus élevés d’un point de vue budgétaire ». Évidemment, la Macronie plonge allègrement dans le mensonge typique de la droite en mélangeant impôts et cotisations sociales. Sont ainsi inclus dans le lot les secteurs des retraites ou de la santé qui sont pourtant financés quasi intégralement par nos caisses de sécurité sociale.
C’est d’ailleurs en s’appuyant sur ces deux postes que les économistes libéraux nous bassinent avec la France « championne du monde des impôts ». Un poncif complètement faux, comme nous vous l’expliquions dans un précédent article
Cette croyance est d’autant plus grotesque que si ces cotisations sociales n’existaient pas, les Français devraient payer des organismes privés pour ces services (plus chers et de moins bonne qualité). C’est ce que démontrent, en effet, toutes les expériences de privatisations, souhaitées par nos gouvernants.
Une logique d’austérité
Demander aux gens quels sont les postes de dépense les plus importants titille d’ailleurs la curiosité des sondés qui iront sans doute vérifier pour se rendre compte qu’effectivement, il s’agit de la santé, des retraites et de l’éducation. Trois secteurs pourtant sinistrés pour lesquels on se dira peut-être en conséquence, qu’on y consacre déjà bien assez.
Après avoir examiné les trois sujets les plus onéreux, on nous interroge sur les trois domaines pour lesquels il est nécessaire de dédier le plus d’argent dans les années à venir et ceux pour lesquels il faudrait en affecter moins.
Le fait de vouloir nous imposer une sélection sur ce qui devrait recueillir plus de fonds, alors que tous les objets concernés ont leur importance, relève d’une logique austéritaire où l’on ferait bien comprendre aux Français que le budget de l’État n’est pas illimité.
C’est d’ailleurs la même démarche pour les postes à voir à la baisse. Aucun d’entre eux ne devrait être baissé, et on nous demande pourtant de faire un choix, comme si diminuer la dépense publique était une obligation absolue.
Attaque contre les services publics
On nous indique ensuite une liste de services publics en nous demandant si, selon nous, ils se sont dégradés ou améliorés. Évidemment, comme ces gouvernements laissent sciemment ces services se détériorer, on ne pourra qu’en faire le constat. Et peut-être glisser, comme ils le souhaiteraient, vers une volonté de privatisation.
Pour finir, le questionnaire daigne nous accorder un petit encadré pour écrire librement quelques mots. Va-t-on pouvoir enfin parler de justice fiscale et de répartition équitable de l’impôt entre les riches et les pauvres ? Bien sûr que non ! On nous demande simplement si l’on veut citer un exemple d’argent public bien mal utilisé. Celui qui a servi à mettre en place ce questionnaire, peut-être ?
– Simon Verdière
Photo de couverture : Wikicommons
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