JO, Coupes du monde, championnats… Comment adapter les compétitions sportives aux enjeux climatiques ?

4 months ago 46

Dans quelques semaines, les Jeux olympiques et paralympiques 2024 s’ouvriront à Paris. Événement fédérateur à l’influence planétaire, cette compétition fait partie, comme les Coupes du monde et les grands championnats internationaux, des grands événements sportifs internationaux (Gesi).

Ces mégaévénements, qui se définissent par leur caractère discontinu, original, international et doté d’une composition globale hors norme, sont capables d’atteindre des millions de personnes à travers le monde par la médiatisation et contribuent donc à diffuser les valeurs du sport et à faire naître chez les spectateurs le goût pour les « activités physiques et sportives ».

L’enjeu est essentiel, dans un contexte où la sédentarité, la santé mentale et l’obésité sont des problèmes majeurs de santé publique. Or désormais, le changement climatique s’invite à son tour dans l’équation.

D’une part, la fréquence et l’intensité accrues des épisodes climatiques extrêmes viennent perturber nos pratiques sportives et nous appellent à les adapter. Lors du marathon de Sydney en 2023, 260 coureurs ont dû arrêter la course notamment pour des vomissements, des cas de déshydratation, des maux de tête ou encore des malaises : les exemples se multiplient lors des grands événements sportifs, le changement climatique heurte de plein fouet la pratique sportive.


À lire aussi : Les JO 2024 permettront-ils de mieux comprendre les dangers de la température humide ?


D’autre part, le changement climatique nous oblige à réfléchir à l’impact du sport, de son industrie et des grands événements sportifs sur l’environnement. Si les mobilités actives comme le vélo ou la marche à pied contribuent non seulement à la santé mais aussi à la décarbonation de nos activités, la pratique sportive (infrastructures, compétitions, surconsommation de produits dérivés…) est également génératrice de lourdes conséquences : émissions de gaz à effet de serre, dégradation des espaces naturels et de la biodiversité, production de déchets, gaspillage alimentaire et, de plus en plus, pollution numérique.

Dans ce contexte, l’Agence de la transition écologique (Ademe) vient de publier un avis afin d’aider à repenser ces événements fédérateurs pour les adapter dès aujourd’hui aux conditions climatiques de demain et les rendre plus compatibles avec les enjeux de la transition écologique.

Prise de conscience progressive

Depuis quelques années déjà, les organisateurs successifs des différentes compétitions sportives mondiales se sont employés à faire des efforts pour adapter ces événements aux enjeux climatiques.

D’autant qu’une réticence grandissante s’est ancrée au sein des populations à l’idée d’accueillir ces compétitions : les impacts locaux inégaux qu’elles génèrent – entre bénéfices économiques, coûts sociaux et dégradations environnementales, comme ce fut le cas lors des JO de 2016 à Rio avec la destruction de zones protégées – ne les rendent plus si attractifs.

Cela entraîne une raréfaction des candidatures d’accueil, d’autant que leur modèle économique apparaît de plus en plus fragile et que la consommation de ces événements a évolué, octroyant une part croissante au numérique.

Si les mesures des impacts des Gesi ont longtemps été purement économiques, les impacts environnementaux ont commencé à être pris en compte. Ainsi, les jeux de Vancouver en 2010 ont pour la première fois mis en œuvre des objectifs écologiques – construction d’infrastructures en matériaux biosourcés, réflexion sur leur déconstruction. Depuis, la question environnementale a systématiquement été intégrée à la communication des villes d’accueil.

Quant aux JOP2024 de Paris, le cap fixé est qu’ils soient les plus ambitieux en matière écologique. Ainsi, les organisateurs ont souhaité réduire de moitié leur empreinte environnementale par rapport aux précédentes éditions, et espèrent de ne pas dépasser un budget carbone de 1,5 million de tonnes de CO2.

En comparaison, Rio en 2016 et Londres en 2012 en avaient émis respectivement 3,6 et 3,4 tonnes. Les trois postes les plus réfléchis pour répondre à cela ont été les déplacements, les opérations (logistique, hébergement, restauration, etc.) et les constructions.

La nécessité de mieux mesurer les impacts

Malgré ces efforts louables, il n’est pas possible d’affirmer que l’impact environnemental des Gesi – on estime aujourd’hui que les JO ou la Coupe du monde de football émettent chacun entre 1,5 et 4 millions de tonnes équivalent CO2 de GES – a baissé au cours des dernières années. Les JOP2024 l’ont d’ailleurs reconnu, en renonçant à revendiquer la neutralité carbone de l’événement, et en se contentant de s’engager à faire mieux.

D’abord parce que ces événements engendrent systématiquement des effets rebonds : les impacts qui entourent la venue massive de visiteurs dans une ville pendant plusieurs semaines, l’avenir des infrastructures créées pour l’occasion…

Ensuite, car ces efforts sont concomitants, au fil des années, d’autres évolutions. En premier lieu l’ampleur croissante qu’ils ont prise ces dernières décennies avec la mondialisation, la professionnalisation du sport et sa médiatisation, menant à un gigantisme générateur de dégâts majeurs. Aux visiteurs qui affluent du monde entier en avion s’est ajouté le nombre croissant de spectateurs suivant nuit et jour les compétitions en direct.

Malgré les enjeux économiques qu’ils représentent aussi, il s’agit aussi de limiter les impacts de ces flux numériques. En effet, ils représentent aujourd’hui le 3e poste le plus consommateur et le plus polluant des Gesi.

Or il nous manque des outils pour mieux cerner les conséquences des grandes compétitions sportives. Une méthodologie commune et partagée d’évaluation des impacts et des indicateurs (au-delà du seul carbone) qui capitaliserait sur les retours d’expériences des événements les plus récents serait utile. Cela permettrait de renforcer en amont les exigences des cahiers des charges, avec des obligations de résultat sur la diminution des impacts négatifs, environnementaux et également sociaux.

C’est dans cette optique et dans le cadre des JOP2024, que l’Ademe a développé Coach Climat événements, un outil qui permet d’estimer et comprendre les émissions de gaz à effet de serre des événements sportifs français et aider les organisateurs à tendre vers des actions de décarbonation.

Un changement de paradigme

Il en découle une conséquence importante. Décarboner les Jeux olympiques ou les Coupes du monde de football grâce à, par exemple, des infrastructures écoconçues et mieux adaptées à la chaleur, la limitation de la pollution intérieure ou encore le recyclage, sont des mesures indispensables, mais qui ne suffiront pas à l’avenir. Un autre modèle apparaît inévitable, qui se projette dans un climat post-2030 et anticipe un niveau d’exigence bien supérieur en termes d’impact et d’adaptation au changement climatique.

Il s’agit à terme de repenser ces compétitions en questionnant leur nature et leur organisation. Du choix des saisons à laquelle on les programme, aux horaires, en passant par le format et les sports pratiqués. Faut-il régionaliser certaines compétitions ? Répartir leur organisation en plusieurs lieux ? Interroger le rôle de certains sponsors ? Et même l’évolution de la pratique de certains sports ?

En effet, la hausse du niveau de la mer, l’accroissement de la fréquence des épisodes de submersion et l’érosion côtière provoqueraient la relocalisation de presque un quart des clubs de voile situés sur les littoraux français (soit 131 clubs sur 576). Même question sur le ski et les sports d’eaux vives, alors que selon une étude publiée dans Nature Climate Change, le changement climatique menace la quasi-totalité des stations de ski européennes ainsi que la quantité d’eau issue de la fonte des neiges.


À lire aussi : Pourra-t-on encore skier en Europe dans un monde à +2 °C ?


La place des athlètes

portrait d’un cycliste Guillaume Martin, cycliste français. Wikimedia, CC BY-NC-SA

Pour impulser ce changement de modèle, les athlètes eux-mêmes ont un rôle à jouer. Ainsi, Guillaume Martin, leader français de l’équipe Cofidis a pris part à son septième Tour de France tout en évoquant « une forme de culpabilité » à y participer d’un point de vue écologique.

Certains vont jusqu’à abandonner la pratique de leur sport par conviction : Stan Thuret, skipper professionnel français, annonçait en mars 2023 qu’il mettait un terme à sa carrière devenue selon lui incompatible avec l’urgence climatique.

Avant lui, le quadruple champion du monde de Formule 1, l’allemand Sébastian Vettel, avait aussi renoncé à sa passion jugée trop polluante, tout comme Sarah Guyot, kayakiste française multiple championne du monde.

C’est aussi la notion de performance à interroger : les performances sportives sont impactées par les pollutions et le changement climatique, qui renforce les épisodes caniculaires.

[Déjà plus de 120 000 abonnements aux newsletters The Conversation. Et vous ? Abonnez-vous aujourd’hui pour mieux comprendre les grands enjeux du monde.]

Il a été démontré par exemple que la chaleur, en particulier, avait des effets néfastes sur les scores d’endurance et la concentration des footballeurs. Concernant l’athlétisme ou les marathons, la médecine a montré que le corps est le plus performant lorsque la température est autour de 26 °C et qu’une température de +2 °C diminue de plusieurs secondes, voire quelques minutes, les résultats.

Alors que la réponse est aujourd’hui essentiellement technologique – équipements toujours plus techniques pour demeurer performants – rappelons que leur production n’est pas sans conséquence sur l’environnement et qu’elle ne peut donc à elle seule compenser l’évolution des conditions climatiques. C’est aussi la santé physique et mentale des athlètes qui est en jeu, et une vision du sport que l’on souhaite véhiculer au grand public.

The Conversation

Amandine Richaud-Crambes travaille pour ADEME

Read Entire Article