L’agroécologie pourrait nourrir 9,5 milliards d’humains

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« En nous inspirant de l’agroécologie, nous pourrions produire de quoi alimenter sainement une population mondiale de plus de 9,5 milliards d’habitants en 2050 » : voilà la promesse de Marc Dufumier, ingénieur agronome. Son nouvel ouvrage intitulé La transition agroécologique, qu’est-ce qu’on attend ?, publié aux éditions Terre Vivante, dresse un plaidoyer inspiré et convaincant. À découvrir sans attendre !

Réforme radicale de la politique agricole commune européenne (PAC), valorisation de l’agriculture paysanne, rémunération des services environnementaux rendus par les agriculteurs ou encore renégociation des accords de libre-échange … Dans son nouvel ouvrage paru aux éditions Terre Vivante, Marc Dufumier offre une vision sans concession des conditions socio-économiques à mettre en place pour que les pratiques agricoles vertueuses s’imposent, au profit du plus grand nombre.

En moins d’une centaine de pages, l’auteur assemble les rouages d’un système agricole basé sur une agroécologie scientifique et place la production alimentaire au coeur de la transition écologique et sociale.

Un plaidoyer pour l’agroécologie

Impliqué dans la formulation, la mise en œuvre et l’évaluation de nombreux projets de développement agricole dans son pays natal comme à l’étranger, l’agronome s’est longuement interrogé sur les formes d’agricultures qui seraient les plus à mêmes de fournir une alimentation saine aux populations, sans occasionner de pollutions majeures à l’environnement. Aujourd’hui, il se dit « convaincu » qu’il serait « techniquement possible » de nourrir l’humanité grâce aux pratiques qui relèvent de l’agroécologie.

Marc Dufumier. Wikimedia.

Si la solution parait si évidente, pourquoi ces techniques agricoles vertueuses sur tous les plans peinent-elles à s’imposer massivement ? « La production ! », répondent en coeur les partisans d’une agriculture industrielle et intensive, qui avancent la nécessité de répondre aux besoins alimentaires d’une population croissante à l’échelle du globe et dénoncent des rendements potentiellement insuffisants de l’agroécologie.

Faim dans le monde : produire plus ou partager mieux ?

Parmi les 8 milliards d’habitants que nous sommes aujourd’hui sur la planète :

« il y en a encore plus de 700 millions, dont 98% vivant dans les pays du Sud, qui souffrent d’une faim chronique, avec une ration énergétique nettement inférieure à l’apport de 2400 kcal par jour conseillée pour un homme en moyenne »

Bien loin d’une croyance largement répandue, l’enjeu majeur de notre système agricole ne se résume pourtant pas à atteindre une production suffisante pour nourrir une population mondiale en croissance. « Pour nourrir correctement un adulte sans aucune insuffisance nutritive, il faut disposer annuellement de l’ordre de 200 kg de céréales (ou son équivalent en pommes de terre, manioc, patates douces, etc…) par habitant. Or, la production mondiale dépasse déjà aujourd’hui en moyenne les 330 kg d’équivalent-céréales par personne et par an », explique le chercheur.

L’ouvrage détaille de manière concise et pourtant complète les différents enjeux qui traversent les systèmes alimentaires actuels. Crédits : Terre Vivante : https://www.terrevivante.org/boutique/livres/societe-engagement/la-transition-agroecologique/

« Toutefois le drame est que les populations les plus pauvres ne bénéficient toujours pas d’un pouvoir d’achat suffisant pour se les procurer ». La priorité n’est donc pas tant de vouloir produire plus de nourriture que de mettre fin aux inégalités de revenus pour que l’accès aux productions alimentaires existantes soit assuré à travers le globe.

Quand nourrir le monde ne suffit plus pour nourrir son foyer

Au-delà de la réduction des inégalités, Marc Dufumier plaide également pour une revalorisation considérable du métier nourricier, à la base de nos systèmes alimentaires. « Entre une concurrence exercée par des producteurs nettement plus compétitifs sur le marché mondial, des conditions iniques imposées par certaines entreprises situées en amont ou en aval de la chaîne de production, des législations foncières souvent inadaptées aux situations locales et un accès limité aux crédits adéquats », les agriculteurs européens peinent à vivre dignement de leur labeur.

Largement subsidiées par la PAC, qui encourage l’agrandissement et la spécialisation des exploitations au détriment d’une agriculture paysanne et vivrière, les fermes se transforment en « firmes », intégrées dans une chaine de production monopolisée par quelques géants du secteur.

« À la dépendance alimentaire d’autrefois (importations de produits alimentaires) a donc succédé une dépendance technologique, énergétique et financière à l’égard de ces grandes sociétés (importations de matériel d’engrais de synthèse et de produits pesticides très coûteux financièrement) et en énergie fossiles »

Techniques et éthique au service de la terre

Pour inverser la tendance, l’ouvrage encourage la rémunération des services environnementaux rendus par les exploitants engagés dans des pratiques durables (comme la séquestration du carbone dans l’humus des sols ou la préservation de la biodiversité cultivée), la taxation des engrais azotés de synthèse ou encore des subventions basées sur l’embauche de main d’oeuvre plutôt que sur le nombre d’hectares.


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En outre, réduire la part des activités agricoles dédiées à la production et alimentation des animaux d’élevage et diversifier les cultures au sein d’une même région multiplierait les interactions favorables entre les exploitations, tout en permettant aux consommateurs d’accéder à une offre alimentaire locale attractive et véritablement nourricière.

Sur un plan technique, l’ouvrage passe aussi en revue les attraits du développement de pratiques agroécologiques. Au-delà des gain de rendement et d’efficacité, l’auteur démontre les bienfaits environnementaux d’une meilleure gestion de l’eau de pluie, de l’enrichissement des sols grâce aux engrais verts, de l’introduction d’auxiliaires de culture ou encore des haies bocagères.

En tant qu’agronome, Marc Dufumier explore également comment de nouvelles techniques agricoles peuvent améliorer les systèmes de production sans nuire à l’environnement ou aux populations. – Crédits : Terre Vivante : https://www.terrevivante.org/boutique/livres/societe-engagement/la-transition-agroecologique/

L’agroécologie, clé d’un avenir nourricier et durable

Finalement, l’enjeu sera de promouvoir dans les diverses régions du monde « des formes d’agriculture capables de bien mettre en valeur les potentialités productives des écosystèmes locaux, sans engendrer de pollution majeure de l’air des eaux et des sols, ni occasionner de préjudices pour les générations futures », explique Marc Dufumier.

L’ouvrage, fluide et condensé, propose un aperçu exhaustif et documenté des solutions agroécologiques capables de transformer notre système agroalimentaire. Avec sa sortie, l’auteur entend bien favoriser l’émergence de nouveaux systèmes de culture et d’élevage relevant de l’agroécologie, « capables d’assurer conjointement une alimentation saine, une agriculture durable et des revenus décents pour l’immense majorité des paysans, au Nord comme au Sud ».

Pour y parvenir, Marc Dufumier appelle de ses voeux des politiques économiques, commerciales et environnementales ambitieuses, offrant aux agriculteurs du monde entier les moyens et l’envie de cultiver un avenir où l’alimentation est source d’équité et de santé pour tous.

N.B. : La maison d’éditions de cet ouvrage, Terre Vivante, traverse actuellement de graves difficultés financières qui impactent l’ensemble de ses activités. Créée il y a 45 ans et intégralement indépendante, l’organisation souhaite continuer à diffuser des connaissances essentielles pour un monde meilleur et lance une campagne d’appel aux dons. Si vous souhaitez les soutenir, rendez-vous sur la page Ulule de la collecte.

– L. Aendekerk


Photo de couverture : Flickr

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