Tic, tac, tic, tac… Le Covid-19 était un virus inconnu, il a déboulé de Chine on ne sait toujours pas pourquoi, ni comment. D'où pourrait bien venir le prochain microbe? « Du permafrost sibérien » répond Jean-Michel Claverie, le biologiste français. En 2014 et en 2015, ce chercheur de l'Université d'Aix-Marseille, a démontré avec son épouse Chantal Abergel, que des virus même vieux de 30 000 années exhumés de Iakoutie au nord de la Russie, pouvaient conserver intact leur pouvoir infectieux. Provenant de la région de la Kolyma, ancienne terre de Goulag, où la terre reste gelée été comme hiver, ces virus avaient en fait tranquillement sommeillé à 20 mètres de profondeur dans le sol gelé, le permafrost.
« En datant les sous-couches où ils étaient, on en a déduit qu'ils ont cohabité avec l'homme de Neandertal » explique le cofondateur du laboratoire information génomique et structurale (IGM) dont les travaux ont bouleversé la connaissance des virus… Depuis cette découverte, la question du dégel du permafrost taraude le couple qui se démène pour alerter sur le risque que représente le réchauffement de ces zones subarctique : « Si on se met là-bas à creuser les couches profondes, sans aucune précaution, gare, il faut bien comprendre qu'on est en présence d'une bombe à retardement virale et bactérienne » précise Jean-Michel Claverie.
Les micro-organismes en mode pause
Pour l'instant, ces régions où le thermomètre reste en dessous de zéro hiver comme été, demeurent très peu accessibles à l'homme. Jean-Michel Claverie en revient : cet été, il s'est rendu à Tcherski, une vieille base scientifique au nord de la Iakoutie, en bordure de l'Océan arctique. « Entre les avions qui décollent avec huit heures de retard, la paperasse, les routes défoncées, c'était une vraie aventure » sourit le scientifique. La vitesse du réchauffement climatique en cours dans cette région arctique l'a scotché. « C'est absolument fou. Les cotes sont devenues des plages ». Et le phénomène a été particulièrement marqué en mer de Barents, Kara et Laptev, toutes situées précisément au nord de la Russie! Evidemment, le permafrost, subit le même choc thermique « Il n'y a pas meilleur réfrigérateur naturel pour la vie microbienne que le permafrost, dedans la vie microbienne y est parfaitement à l'abri de toute agression, celle de la lumière, de l'oxygène ».
Dans ce milieu douillet, que font les micro-organismes ? « Ils se mettent en mode pause. Mais dès qu'ils rencontrent à nouveau de l'eau liquide, c'est comme une graine, ils s'éveillent et redeviennent actifs ». C'est d'ailleurs ce qui se produit déjà : « chaque année, des couches du permafrost se dissolvent, des micro-organismes remontent des couches profondes et sont relarguées en surface, mais c'est un processus lent, si bien que l'oxygène qui est un excellent désinfectant, comme les rayons ultraviolets, ont en général le temps de les stériliser ».
Il y a danger à creuser le sous-sol sibérien
Mais qu'en sera-t-il demain, quand des entreprises, attirées par les tonnes d'or, de tungstène, de terres rares qui dorment encore dans le sous-sol sibérien vont venir s'implanter dans ces zones du grand nord encore quasiment vierge? Vladimir Poutine ne s'en cache pas, il veut faire de la Russie une puissance économique « polaire ». Maintenant que la route maritime du Nord est libre de glaces huit à neuf mois dans l'année, les bateaux vont pouvoir acheminer tout le long des cotes d'Extrême-Orient de quoi installer des campements miniers de 100 000 à 200 000 hommes.
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