En août 2022, alors que le Liban traversait une série de crises économique et politique sans précédent depuis la guerre civile de 1975-90, l’UNICEF déclarait que plus de 70% de la population encourait de graves risques de pénurie d’eau. Sur place, cet épisode a laissé entrevoir les stigmates d’un monde où l’eau serait de plus en plus rare. Reportage photo.
Fin août 2022 : le Liban connaît une pénurie d’eau fulgurante. Une pénurie étroitement liée à la crise d’essence et d’électricité qui sévit encore à l’heure actuelle.
En effet, le 4 août 2020, le Port de Beyrouth subit une explosion dévastatrice, frappant notamment de plein fouet l’immeuble équivalent à l’EDF français. Laissées depuis à l’abandon, les infrastructures électriques font ainsi l’objet de dysfonctionnements en chaîne, jusqu’à aujourd’hui encore. Or, ces dégâts, en plus de plonger le Liban dans le noir, ont également et immédiatement des conséquences néfastes sur les stockages d’eau potable : l’absence d’électricité affectant le pompage, la production et la distribution des usines d’eau en bouteille et des centres de traitements de l’eau.
De fait, durant cet été 2022, alors que le pays se trouve dans une véritable impasse politique, plusieurs millions de personnes, en particulier les classes sociales les plus vulnérables en première loge de l’inflation économique, sont confrontées à la perspective d’être complètement coupées de l’approvisionnement en eau.
Au cœur de cette période dystopique, le photographe Lucien Migné a cherché à mettre en lumière les rouages de l’industrie de l’eau au Liban pour comprendre comment ce pays, qui est pourtant celui disposant des plus grandes réserves d’eau du Moyen-Orient, en est arrivé là ? Et comment l’eau peut si rapidement devenir un bien privé, pour quelques privilégiés ? Fenêtre sur ce qui attend le reste du monde si nous ne faisons rien pour préserver ce bien commun précieux et menacé.
Les coulisses d’un modèle fragile
#1 Le barrage de Chabrouh
Dans la région de Faraya, il est inauguré en 2007, s’inscrit dans le cadre d’une stratégie décennale commencée en 2000 dont le but était de construire 17 barrages destinés au stockage d’eau potable. Pourtant, 22 ans plus tard, c’est le seul dont la construction est terminée.
#2 Les lacs artificiels
De nombreux lacs artificiels ont été creusés dans la région de Faraya pour stocker l’eau issue des précipitations et de la fonte des neiges. Pourtant, le mauvais état des infrastructures entraine une perte de presque la moitié de cette eau avant son arrivée dans les centres urbains.
#3 L’industrie de l’eau en bouteille
Georges est employé à l‘usine d’eau minérale de Tannourine. Ces derniers mois, l’entreprise a dû fortement réduire sa production en raison de coupures de courant. Le transport des bouteilles d’eau par camion depuis Tannourine est également problématique car il est entravé par la pénurie d’essence, supplantée par une hausse des prix importante.
#4 Les plaisirs non-vitaux, deviennent non-prioritaires
Le port de plaisance de Zaituna Bay, à Beyrouth, a grandement été touché par l’explosion. En front de mer, une piscine restée vide, faute d’eau pour la remplir.
#5 Citernes de secours
Beirut, quartier de Karantina. Lorsque l’électricité manque pour faire marcher les pompes permettant d’augmenter la pression de l’eau du robinet, les habitants utilisent l’eau des citernes de secours.
#6 Le privé s’en mêle
Beyrouth, quartier de Bourj Hammoud. Le manque d’eau potable à Beyrouth a généré toute une industrie. De nombreuses entreprises privées filtrent l’eau courante, la rendant ainsi potable, pour la vendre.
Du côté des habitants
#7 Les plus vulnérables…
Beyrouth, quartier de Karantina. Pour les classes sociales les plus démunies, l’accès à l’eau devient de plus en plus compliqué en raison de l’augmentation de son prix. Saddam vient de Syrie, il vit depuis maintenant cinq ans au Liban. Il travaille à faire de la manutention dans le port de Beyrouth, dont l’explosion le 4 août 2020 a fait plus de 200 morts.
#8 …au premier rang
Quartier de Karantina, Beyrouth. Une femme sans-abri boit de l’eau. Au Liban, l’eau du robinet n’est pas potable. Conséquence de la crise économique, l’inflation a entraîné une hausse générale des prix, de sorte que le prix d’une bouteille d’eau a été multiplié par 8 en deux ans.
#9 Solidarité et alternatives
Certains quartiers disposent de rivières souterraines dans lesquelles les habitants puisent de l’eau. Ici, les réserves sont gérées par la mosquée Zo Al Norayn, à Beirut, et les habitants viennent remplir leurs bidons d’eau potable pour un prix inférieur à celui des bouteilles d’eau minéral.
#10 Système parallèle citoyen
Beirut, quartier de Tariq El Jdideh. Abid, 26, livre les bidons d’eau filtrée directement chez les habitants.
#11 Les délaissés
Qartaba, région du mont Liban. Alors que dans les villes les habitants appellent des camions citernes pour remplir leurs réservoirs de secours lorsqu’ils sont vides, l’approvisionnement en eau dans les régions plus reculées est plus compliqué.
#12 Les privilégiés
Beyrouth, Hôtel Warwick Palm Beach. La pénurie d’eau ne concerne qu’une partie de la population libanaise, plus vulnérable. La minorité la plus riche n’a pas à s’inquiéter de la lutte quotidienne pour l’accès à l’eau.
– Un reportage Photo de Lucien Migné
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