Pourquoi les trottinettes électriques en libre-service posent de nombreux problèmes

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Ce dimanche 2 avril 2023, les Parisiens devront se prononcer sur l’avenir des trottinettes en libre-service dans la capitale. Faut-il ou non continuer à les autoriser ?

Si plusieurs villes les ont déjà interdites (Toulouse, Nice, Villeurbanne, Barcelone, Montréal ou New York), le gouvernement français préfèrerait que leur usage soit régulé.

Pour que tous ceux qui s’interrogent sur la pertinence d’une telle interdiction, à Paris comme dans d’autres villes, puissent s’en faire une idée, il apparaît utile de passer en revue les avantages et inconvénients des trottinettes électriques, et tout particulièrement celles qui sont en libre-service.

Un mode de déplacement ludique et peu encombrant

Glisser sans effort au ras du bitume en profitant de fortes accélérations et d’une grande sensation de vitesse, se faufiler dans les embouteillages plus facilement qu’à vélo, pouvoir rentrer chez soi en pleine nuit quand on n’a pas de voiture, qu’on est trop fatigué pour pédaler, que les transports publics sont à l’arrêt et les taxis trop chers, ranger l’engin dans un recoin de son logement à l’abri du vol ou le laisser sur l’espace public : autant de plaisirs amusants et d’évidentes facilités qui ont de quoi séduire, notamment les adolescents et les jeunes, très friands de ces engins


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Rejoindre en trottinette une gare ou une station et l’embarquer dans un transport public sans difficulté grâce à son gabarit réduit et à son pliage facile constitue un autre avantage très apprécié. 15 % des déplacements en trottinette de location seraient ainsi réalisés en combinaison avec les transports publics.

Tous ces avantages suscitent actuellement un fort engouement pour les trottinettes électriques, dont le marché est en plein essor.

Mais qu’en est-il de leurs inconvénients ?

Un véhicule intrinsèquement dangereux

De par sa conception, la trottinette électrique est nettement plus instable et dangereuse qu’un vélo. Ses petites roues absorbent mal les pavés, les nids de poule et autres imperfections du revêtement.

Son faible empattement et la position du trotteur assez haute et au milieu du véhicule (alors que le cycliste est plus en arrière) augmentent le risque de basculer en avant. La plate-forme trop étroite oblige l’utilisateur à positionner ses pieds de travers, non sans conséquence. Enfin, une faible inertie des roues et du véhicule contraint son conducteur à tenir fermement le guidon des deux mains et rend l’indication d’une direction difficile.


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La vitesse élevée des trottinettes électriques contribue aussi à les rendre dangereuses. Elle est certes limitée par la loi à 25 km/h et donc bridée par construction. Mais « pour libérer la puissance », de nombreux sites Internet expliquent comment parvenir à la débrider. D’autant que certains engins peuvent atteindre les 70 km/h ou plus !

À Paris, la ville a finalement exigé des trois opérateurs de limiter la vitesse de leurs véhicules à 10 km/h, sauf sur les grands axes (20 km/h). Les trottinettes personnelles n’étant pas concernées.

Sans surprise, les statistiques d’accident commencent à confirmer cette dangerosité intrinsèque.

Selon une récente étude de l’université de Californie, la trottinette électrique serait aussi dangereuse que le deux-roues motorisé et huit fois plus que le vélo. À Paris, selon un calcul personnel qui devra être affiné quand on disposera de statistiques plus précises, on y comptait trois fois moins de blessés graves et tués à trottinette qu’à vélo en 2019-2021… mais dix fois plus de cyclistes que de trotteurs au même moment, soit un risque d’être accidenté trois à quatre fois supérieur.

À Lyon, toujours selon nos calculs, le ratio serait du même ordre.

Des accidents graves, un mode passif

L’Académie de médecine a récemment rendu public un rapport alarmant, L’accidentologie des trottinettes électriques.

Selon ce document, les trois quarts des accidents ont lieu sans percuter d’autres usagers : le trotteur tombe tout seul, suite à une perte de maîtrise du véhicule due à un excès de vitesse, un manque d’attention, l’utilisation d’un portable, la conduite d’une main ou un obstacle.

Alors que le cycliste chute surtout sur le côté, le trotteur est plus souvent projeté en avant et heurte le sol avec la face, le casque étant dans ce cas peu utile (il faudrait un casque intégral, comme dans les courses de trottinette, en plein essor).

Résultats : des dents cassées et des fractures des membres supérieurs, de la mâchoire, du nez ou de la face. Le tableau clinique de ces accidents n’est pas réjouissant. En outre, ce sont plutôt des jeunes qui sont accidentés. Rappelons que les trottinettes électriques sont autorisées en France sur l’espace public dès l’âge de 12 ans, seul pays d’Europe occidentale à avoir fixé un âge aussi bas. Sous la pression des autorités, les loueurs parisiens se sont récemment engagés à les interdire aux mineurs.

Quant au bilan de santé publique des trottinettes électriques – qui intègre les avantages et les risques de ce mode pour la santé de leurs utilisateurs –, il est négatif, car ces engins sont des modes passifs. Les trotteurs n’utilisent pas leurs muscles pour avancer. Pour le vélo, y compris le vélo à assistance électrique, ce bilan est au contraire positif : malgré le risque d’accident et la pollution, l’activité physique régulière qu’il permet constitue un avantage majeur.

Des trottinettes en libre-service particulièrement problématiques

À Paris, les trottinettes en libre-service ne représentent qu’environ 20 % de toutes les trottinettes en circulation. Mais on constate de grandes différences de pratique et de comportement entre les propriétaires de leur véhicule et les clients des loueurs.

Les premiers l’utilisent surtout pour aller au travail ou à un établissement scolaire, sont souvent équipés d’un casque et de protections et ont peu d’accidents. Les seconds sont plus jeunes, l’utilisent plutôt l’après-midi, en soirée ou la nuit pour un motif de loisir, souvent sans casque ni protection, provoquant de fréquents accidents.

De même, à la différence des premiers, il leur arrive plus fréquemment d’utiliser les trottoirs, de ne pas emprunter les pistes cyclables ou de rouler à deux sur la trottinette, toutes pratiques pourtant interdites par le Code de la route.

Le partage des trottinettes est à première vue une solution généreuse et séduisante, mais le fait est qu’il entraîne aujourd’hui un usage négligent de ces véhicules et de nombreuses dégradations liées à leur présence sur l’espace public. Les tarifs s’en ressentent et sont particulièrement élevés (1 euro la prise en charge plus 15 à 23 centimes la minute selon l’opérateur, soit environ 4 euros les 4 km pour un usage ponctuel).

Dès lors, ce sont plutôt des cadres et des étudiants aisés, ainsi que des touristes, qui les utilisent. En ce qui concerne le bilan carbone, il était plutôt médiocre, mais connaît une nette amélioration.

D’autres solutions ?

Pour espérer éviter l’interdiction, les trois opérateurs de trottinettes en libre-service à Paris ont accepté de les immatriculer, de les interdire aux moins de 18 ans et d’exclure les contrevenants.

Ils testent également « un système de détection des trottoirs » afin d’empêcher les trottinettes d’y circuler. Mais bien d’autres infractions ne pourront être endiguées.

Autre piste pour rendre les trottinettes moins dangereuses : agrandir les roues, améliorer le freinage et les suspensions, ajouter une selle… bref, réinventer le vélo ! Rappelons que la bicyclette a été mise au point au XIXe siècle à coup de centaines de brevets, pour la rendre la plus sûre possible et accessible à tout le monde.

Au final, l’interdiction des trottinettes en libre-service contribuerait certainement à apaiser les relations entre usagers de la voirie, dans la ville la plus dense d’Europe qu’est Paris, où la cohabitation de tous dans l’espace public a toujours été compliquée. Même dans cette configuration, une plus forte régulation de l’usage des trottinettes personnelles au niveau national resterait indispensable.

The Conversation

Frédéric Héran ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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