Souvent méprisées par l’agriculture industrielle et considérées comme un frein à la production, les haies constituent pourtant des alliées de poids pour l’humanité, et ce à plusieurs titres. Véritable refuge pour la biodiversité, elles protègent aussi les sols et permettent de lutter contre le réchauffement climatique, la pollution chimique et le gaspillage de l’eau.
Alors que Gabriel Attal, nouveau Premier ministre, vient d’annoncer une simplification de la réglementation sur les haies, la situation voudrait pourtant que ces dernières soient renforcées, tant leur disparition représente un cataclysme environnemental et paysan.
Une destruction fulgurante
Dans les années 50, afin d’augmenter considérablement la production agricole française, les autorités lancent une grande politique de remembrement rural. Pour permettre aux machines modernes de circuler et d’exploiter un maximum de terres en monoculture, une multitude de petites parcelles a alors été fusionnée.
Pour y parvenir, il a fallu uniformiser le paysage de manière spectaculaire. Les arbres, les talus et surtout les haies, sont massivement dévastés à travers le pays. D’après les estimations, depuis 1950, 1,4 million de kilomètres de ces bordures ont été rasés dans l’hexagone, soit 70 % du linéaire français.
Des efforts dérisoires
Même si quelques scientifiques alertaient déjà à l’époque sur les possibles conséquences d’un tel bouleversement, personne ne doutait pourtant de la catastrophe à venir. Aujourd’hui cependant, nul n’ignore la conjoncture et le massacre se poursuit.
En effet, le pays s’est encore débarrassé de 23 500 kilomètres par an entre 2017 et 2021. Une nette accélération par rapport à la période située entre 2006 et 2014 où la perte était « seulement » de 10 400 par an.
Des chiffres effrayants qui ne feront pas oublier les maigres politiques de replantation auxquelles l’on doit à peine 3 000 kilomètres de nouvelles bordures annuels. En comparaison, les 50 000 kilomètres supplémentaires souhaités par le gouvernement d’ici 2030 paraissent également bien dérisoires.
Préserver plutôt que replanter
Le constat est d’autant plus inquiétant que les haies restantes sont souvent mal entretenues et en mauvaise santé. En Bretagne, par exemple, une région historiquement connue pour son bocage, près de 79 % du linéaire serait dégradé ou dépérissant.
En outre, les nouvelles plantations ne peuvent pas remplacer les haies perdues en un claquement de doigts ; il leur faut en réalité pas moins de 20 ans pour arriver à une maturité suffisante pour remplir ce rôle. Et là encore, un entretien régulier est nécessaire pour un bon développement. Comme pour la forêt, l’urgence est donc tout autant à la sauvegarde de notre patrimoine naturel actuel qu’à son renouvellement.
Un paradis de biodiversité
Et si les haies sont si importantes à préserver, c’est d’abord parce qu’elles représentent un véritable îlot de sauvegarde de la biodiversité. Elles servent en premier lieu d’habitat à de nombreux oiseaux, notamment des passereaux, qui viennent y faire leur nid. Elles font, de même, office d’abri pour des petits mammifères comme les lapins, les hérissons, les écureuils et de multiples rongeurs.
On désigne aussi ces bordures comme « corridors biologiques ». Autrement dit, elles permettent à des animaux comme le chevreuil ou la chauve-souris de s’y réfugier pour se déplacer d’un endroit à un autre. Pour les reptiles, comme les serpents, il s’agit également d’un lieu parfait pour se reproduire et pour réguler sa température. Enfin, une multitude d’insectes profitent aussi de la diversité des plantes présentes dans les contours des bocages.
Au total, d’après l’afac-agroforesterie, un groupement de plus de 200 associations concernées :
les haies pourraient aider jusqu’à « 80 types d’oiseaux, 35 espèces de mammifères, 100 espèces d’insectes, 600 espèces végétales, 60 espèces d’araignées, 14 espèces de reptiles et de batraciens ».
L’importance capitale des sols
L’importante biodiversité des haies se développe également sous terre, ce qui enrichit considérablement les champs. Ainsi, les éléments qui se putréfient à cet endroit permettent de significativement augmenter la fertilité du terrain et de voir proliférer toutes sortes d’organismes utiles à l’écosystème, comme les lombrics ou les champignons.
L’agrégation de ce que l’on appelle l’humus (c’est-à-dire la matière terreuse issue de la décomposition de substances organiques) favorise la fertilisation des sols.
Un outil contre la sécheresse
Selon l’INRAE, les haies ne sont, en outre, pas concurrentes des cultures pour ce qui concerne l’eau située dans les champs. Bien au contraire, elles modifient sa circulation en ralentissant le ruissellement et en favorisent son infiltration.
Autrement dit, un terrain dépourvu de haies verra la pluie glisser rapidement sur lui entraînant à la fois l’érosion de la surface la plus fertile, mais aussi d’importantes inondations. À l’inverse, une parcelle dotée de bordures végétales absorbera mieux les averses, ce qui permettra de régénérer les nappes phréatiques et de protéger les installations humaines des fortes précipitations. En retenant l’eau, grâce aux talus et aux réseaux de racines, les haies limitent l’érosion, qui est une grande menace de l’agriculture industrielle.
Un filtre naturel
Par ce processus, les haies filtrent également l’eau qui peut être polluée, notamment par des engrais ou des pesticides. Elles absorbent de même de manière significative les nitrates issus de l’élevage et qui peuvent terminer dans la terre.
En plus de réduire la contamination de l’eau, les haies ont ce même rôle dans le sol. Ainsi des études ont démontré qu’elles favorisaient la protection des animaux et des cultures vis-à-vis des métaux lourds. Enfin, placées au bord des routes, elles peuvent également lutter contre la pollution de l’air.
Allié contre le dérèglement climatique
Pour couronner le tout, les haies sont enfin utiles pour affronter le réchauffement climatique. Elles représentent ainsi un véritable puits de carbone, puisque selon une étude de l’INRAE, un kilomètre de haie stockerait entre trois et cinq tonnes d’équivalent CO² chaque année.
En plus de lutter contre ce fléau, elles sont également un facteur d’adaptation puisqu’elles favorisent le rafraîchissement, notamment par l’ombre qu’elles procurent, mais aussi par l’eau qu’elles préservent. En outre, elles protègent de même les cultures et le bétail de la chaleur, du froid et surtout du vent.
Et les paysans ?
Les intérêts écologiques des haies sont donc multiples et sont tous interconnectés les uns avec les autres. Pour l’agriculture industrielle, elles semblent pourtant être considérées comme un fardeau, et ce même si elles offrent de nombreux avantages.
Néanmoins, les bénéfices qu’elles confèrent ne sont pas forcément visibles et pas assez valorisés financièrement par l’État. D’autant plus qu’elles imposent une lourde charge de travail aux paysans, jusqu’à soixante heures par an pour dix kilomètres.
Cependant en détruisant les haies, les agriculteurs se tirent une balle dans le pied, notamment sur le long terme. Ils perdent ainsi de précieuses alliées, en particulier en matière de fertilité des sols et de sécheresse.
Les organismes qui prolifèrent grâce aux haies représentent, en outre, tout autant de pesticides et d’engrais en moins à utiliser tant ils font office de régulateurs de parasites, de pollinisateurs et de véritables « auxiliaires de culture ». De quoi y réfléchir à deux fois avant de poursuivre dans la direction actuelle.
– Simon Verdière
Photo de couverture : Compétition de taille de haie. Wikimedia
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