Produits végétariens, produits féminins ? Comment combattre une idée fausse

1 year ago 70

Certains préjugés voudraient laisser croire que les hommes ne sont pas concernés par les produits végétariens : comme si virilité et végétarisme ne faisaient pas bon ménage. L’association souvent faite entre la consommation de viande et la masculinité vient renforcer cette idée préconçue.

Ces stéréotypes de genre n’ont pourtant pas de fondements et méritent d’être discutés alors que les effets de la production de viande sur le changement climatique nous incitent à réduire notre consommation. Sans parler des questions relatives au bien-être animal, qui incitent à orienter l’alimentation vers des produits végétaux.

Mais comment changer les perceptions des consommateurs et consommatrices ?

Végétarisme, une image associée aux femmes

En France, les commandes de plats végétariens sur les plates-formes de livraison sont à 72 % le fait des femmes. Ce sont donc majoritairement les femmes qui consomment des produits végétariens (d’autres études nombreuses le corroborent). La perception de l’alimentation végétale comme étant féminine a été nourrie par des facteurs tels que la publicité, les médias et même la culture populaire.

Ainsi, les publicités mettant en scène des femmes élégantes et minces dégustant des salades et des légumes verts ont contribué à l’idée que les produits végétariens étaient essentiellement féminins.

Rappelons-nous aussi de Phoebe dans la série Friends, rare représentante du végétarisme dans la culture populaire pendant longtemps. Le mouvement végétarien a en outre souvent été associé à des valeurs de compassion, de bien-être et de respect de l’environnement, traditionnellement considérées comme des préoccupations féminines.

assiette végétarienneLa consommation alimentaire des hommes est [41 % plus polluante que celle des femmes. Brooke Lark/Unsplash, CC BY-NC-SA

Enfin, l’éducation des filles plus orientée sur le care (le soin aux autres et à l’environnement) que celle des garçons renforce encore ce lien. Cette association entre produits végétariens et femmes est ainsi fondée sur des facteurs culturels, des stéréotypes et des généralisations.

Pourtant, le régime végétarien convient aussi bien aux hommes qu’aux femmes. Aucune raison biologique ne vient entraver cette possibilité, pas même l’âge comme l’a affirmé l’Anses concernant les repas végétariens dans les écoles : il peut être quotidien et couvrir l’ensemble des besoins nutritionnels des enfants.

Viande et masculinité

Sandrine Rousseau a récemment affolé la twittosphère en associant le barbecue aux hommes. Si cette association semble clichée, elle repose pourtant sur des faits en matière de consommation de viande : la consommation alimentaire des hommes est 41 % plus polluante que celle des femmes et cela en raison, entre autres, de leur consommation supérieure de viande rouge. La consommation de viande a souvent été associée à la masculinité et les hommes qui consomment de grandes quantités de viande de bœuf sont plus susceptibles d’être imprégnés de stéréotypes sexistes que ceux qui en consomment de manière modérée.

Les publicités mettant en scène des hommes forts et virils dévorant de grandes portions de viande rouge ont contribué aussi à cette image de virilité « carnivore » (même si elles ont commencé à évoluer pour séduire davantage les femmes). L’image de la viande, souvent perçue comme une source de protéines et de nutriments essentiels pour le développement musculaire et la puissance physique, a renforcé l’idée que les hommes en ont besoin pour être forts et en bonne santé.

L’image de la viande symbole de masculinité peine à sortir des mentalités. Sander Dalhuisen/Unsplash, CC BY-NC-SA

Là aussi, cette association entre consommation de viande et masculinité ne tient pas compte des nombreuses options riches en protéines disponibles dans l’alimentation végétale. Les légumineuses et le soja sont autant de sources de protéines végétales qui peuvent soutenir le développement musculaire et la santé globale, indépendamment du genre.

À cet égard, les recommandations de l’Anses confirment que les besoins en macronutriments et en micronutriments peuvent être couverts pour toutes et tous avec une alimentation végétarienne.

Pâté et saucisses végétales

Nous avons récemment publié une recherche avec Jordy Stefan qui montre que ces préjugés peuvent néanmoins évoluer lorsque l’on crée une expérience du produit. Nous avons ainsi testé trois conditions expérimentales sur deux produits végétariens : le pâté végétal et les saucisses végétales.

Dans la première condition, les participants étaient interrogés sur leurs perceptions de ces produits (un groupe répondait sur le pâté et l’autre sur les saucisses).

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Dans la seconde condition, les mêmes questions étaient posées mais avec le support d’une photo du produit. Et dans la dernière, ils goûtaient le produit puis répondaient aux mêmes questions. Nous avions également constitué des sous-groupes : certains répondaient en pensant qu’il s’agissait d’un produit végétarien, d’autres en pensant qu’il s’agissait d’un produit carné.

L’intérêt est que l’expérience réduit la distance psychologique au produit. Lorsqu’on se contente de l’évoquer, les stéréotypes et les généralisations sont plus facilement mobilisés pour formuler un avis. Lorsqu’on vit une expérience avec le produit, le sujet fait plus facilement appel à ses perceptions sensorielles.

L’expérience, plus efficace que les discours

Nous voulions tester si l’expérience de produits végétariens pouvait modifier la perception genrée de ces produits.

Les résultats révèlent que les participants, lorsqu’ils n’ont pas d’expérience ou une expérience indirecte – voir une photo – considèrent que les produits végétariens ne sont pas destinés aux hommes. Cette perception est en revanche inhibée, et ce quel que soit le produit (pâté ou saucisses), lorsqu’ils y goûtent.

Ces résultats sont très instructifs, tant pour les marques que pour les associations ou les pouvoirs publics qui promeuvent une consommation plus végétale : les discours ne suffisent pas à changer les perceptions et encore moins les comportements.

Il faut engager les consommateurs et les consommatrices dans des expériences pour inhiber les stéréotypes. Nous supposons également que la multiplication des expériences renforcera le changement de perceptions sur le long terme et pourra ainsi engager la société dans une approche moins ancrée sur le genre de l’alimentation.

Ces résultats ouvrent également des perspectives et des voies de réflexion pour d’autres comportements pro-environnementaux, jusqu’ici majoritairement portés par les femmes.

The Conversation

Magali Trelohan does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.

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