Sucre : 50 ans de mensonges financés par les industriels

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Un article paru dans une revue américaine de médecine révélait en 2016 comment, aux États-Unis, des industriels ont financé une étude « scientifique » minimisant les effets du sucre sur la santé et ainsi influencé directement l’administration dans ses décisions. Depuis, malgré la diffusion de la toxicité du sucre à travers le monde, peu de choses ont changé et les consommateurs sont toujours sous perfusion. Combien de temps encore gouvernements et citoyens laisseront les acteurs de l’agro-alimentaire dicter leurs lois ?

Il semblerait que pour certains consortiums d’industriels, la vérité s’adapte à la taille du chèque. En effet, interférer dans les données scientifiques est légion depuis, notamment, le cas emblématique du tabac et de sa stratégie du doute. Mais de nombreux autres secteurs sont concernés par divers scandales liés aux lobbies de puissants industriels : c’est par exemple le cas du lait, de la viande, mais également du sucre.

En effet, la divulgation de documents internes de l’industrie du sucre révélait déjà en 2016 les agissements malhonnêtes de certains industriels du secteur pour cacher la dérangeante réalité de cette denrée aussi délétère pour la santé et non-nutritive, que polluante.

« un véritable marketing du « sans » est né de décennies d’intoxication impunies au point que ne pas être contaminé par des substances délétères est devenu un argument de vente »

Aussi, si pour certains l’effet négatif d’un excès de sucre sur la santé pouvait sembler être une évidence, certains exploitants ont continué de chercher à biaiser la discussion en persistant à jeter un doute factice. Aujourd’hui, le sucre ajouté est partout, et particulièrement présent en grande quantité dans les produits industriels y compris « salés ». De fait, un véritable marketing du « sans » est né de décennies d’intoxication impunies au point que ne pas être contaminé par des substances délétères est devenu un argument de vente : « sans pesticides », « sans OGM », « sans plastique », « sans sulfates »… et probablement le plus célèbre « sans sucre ajouté ».

Il y a près de 10 ans, en effet, les procédés employés par les industriels – notamment par la Sugar Association américaine – pour diffuser ces mensonges ont été décrits et analysés dans une étude réalisée par Stanton Glanz publiée dans la revue Journal of the American Medical Association. Ce document doit nous rappeler que l’enfumage réalisé au milieu des années 1960 devrait encore animer les débats actuels au regard de leurs conséquences sanitaires sur le long terme.

Une corruption au plus haut niveau

Les documents rendus publics mettaient donc en lumière la corruption par la Sugar Association d’importants scientifiques de l’Université de Harvard. L’avis de ces derniers pouvait à l’époque jouer un rôle important dans l’établissement de décisions en matière de santé publique. Au total, 50.000 dollars (somme très importante à l’époque) auraient été versés afin de cacher les dangers représentés par la consommation de sucre et faire publier une étude qui dépénalise ce dernier, en minimisant son rôle dans le développement de maladies cardio-vasculaires et en niant son impact sur l’obésité.

À la place, ce sont les aliments gras qui ont été pointés du doigt comme principale cause de ces problèmes de santé. Aussi perverse soit-elle, la manœuvre a porté ses fruits, puisqu’en réaction à ces informations, les américains ont par la suite privilégié des aliments peu gras, mais riches en sucres.

Le problème est que l’affaire ne remonte pas d’hier, mais débute dans les années 1960. Stanton Glanz, docteur spécialisé en cardiologie et en santé publique, estimait déjà que ces pratiques ont été perpétuées en toute connaissance de l’état des lieux scientifiques pendant des décennies, imprégnant l’opinion publique que le sucre n’était pas si dangereux. De fait, il est même légitime de se demander si la diffusion de sa banalisation ne continuerait-elle pas à être subventionnée aujourd’hui par les industriels ?

Le scandale des néonicotinoides, ce pesticide tueur d’abeilles servant les cultures de betteraves à sucre, met la puce à l’oreille s’agissant de la pression toujours active des lobbys du sucre. En effet, bien qu’ils aient finis par être interdits au niveau européen en 2023, les molécules molécules de cette famille ont fait l’objet d’une longue bataille qui n’est pas encore totalement gagnée. 

Une pratique courante

Ce n’est pas la seule tentative de la part d’industriels d’arranger la réalité en fonction de leurs intérêts privés. À de nombreuses reprises ces dernières années, journalistes, chercheurs et citoyens ont mis à jour des mensonges, des omissions volontaires ou des pratiques qui remettaient en cause les méthodes utilisées à tous les échelons par les industriels de l’alimentation.

En juin 2023, une nouvelle étude parue dans la revue Environmental Healthn révélait que Bayer et Syngenta auraient dissimulé pendant plus d’une décennie la toxicité de certains de leurs produits aux autorités européennes. Plus en amont, en 2015, le New-York Times divulguait notamment comment Coca-Cola avait investi des millions de dollars auprès de chercheurs qui acceptaient de cacher le lien entre la consommation de sucre et l’obésité à travers leurs méthodes de recherche.

En Avril 2016, le site spécialisé Lanutrition.fr publiait les « Coca-Cola Papers« , dressant la liste édifiante des organismes français « arrosés par Coca-Cola ». Cette liste, obtenue par l’ONG allemande Foodwatch, comptait notamment l’Association française des diététiciens nutritionnistes (AFDN), la Fédération française des diabétiques ou encore l’Institut Pasteur de Lille. Ces scandales ne portent pas simplement atteinte aux consommateurs, mais également à l’ensemble de la recherche scientifique qui peine parfois à trouver du crédit dans l’opinion alors qu’elle s’avère infiniment nécessaire notamment en matière de lutte contre l’obésité, le diabète et le changement climatique.

Ces révélations poussent à prêter une plus grande attention aux multinationales et à ceux qui les fournissent, animées par les gains économiques. Envers et contre tous, le secteur de l’alimentaire continue à être contrôlé par une poignée de géants qui, pour leur majorité, ont été impliqués dans de nombreux scandales. En témoigne notre podium des 10 scandales de l’industrie alimentaire, ou encore les nombreux méfaits de Nestlé. 

La bonne nouvelle est qu’il ne manque désormais pas d’alternatives au sucre raffiné, comme la date mixée ou le sirop d’agave. Plus largement, en parallèle de luttes en faveur d’avancées législatives qui puissent accompagner tout le monde dans un changement de fond, il convient autant que possible de privilégier les aliments frais et bruts, exempts de sucré ajouté.

– Mr Mondialisation


Sources : franceculture.fr / nouvelobs.com / nytimes.com

Image d’entête @Mikhail Nilov/Pexel

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