Quand on pense à J .R. R. Tolkien, on imagine des batailles épiques, des quêtes héroïques et… des paysages incroyablement détaillés, comme Peter Jackson a pu les transcrire à l’écran dans les années 2000 en Nouvelle-Zélande.
En fait, les montagnes et volcans de la Terre du Milieu – autrement dit, sa géologie, au sens large – enrichissent la narration, ajoutant une profondeur et une crédibilité à l’univers de Tolkien. Préparez-vous pour un voyage géologique où même les volcans ont leur mot à dire !
La géologie, une science sérieuse pour Tolkien
D’une manière globale, la géologie joue un rôle crucial dans l’univers complexe de J.R.R. Tolkien, comme le soulignait le géologue américain Robert C. Reynolds dans « The Geomorphology of Middle Earth » en 1974.
Reynolds y a exploré en détail les formations géologiques de ce monde imaginaire, expliquant que ces paysages fantastiques résultaient d’une tectonique des plaques active, avec des chaînes de montagnes formées par des zones de collision brutales et des vallées par des zones de rift et de cisaillement.
Les avancées scientifiques dans ce domaine ont joué un rôle clé dans la façon dont Tolkien a façonné la Terre du Milieu. Plusieurs chercheurs et passionnés ont pu le souligner, tels que Karen Wynn Fonstad, Alex Lewis, Elizabeth Currie et Kristine Larsen. Ces derniers montrent que la compréhension scientifique et les théories géologiques de l’époque ont influencé Tolkien, qui révisait continuellement son univers légendaire en fonction des nouvelles découvertes contemporaines à son écriture.
La théorie de la dérive des continents par exemple, bien qu’elle ait mis la majeure partie de la carrière académique de Tolkien à s’établir, a profondément marqué son écriture. Les travaux de Robert C. Reynolds et de William Sarjeant ont expliqué en termes de tectonique des plaques moderne la topographie de la Terre du Milieu à la fin du Troisième âge.
Les Montagnes, gardiennes de l’Histoire
Les montagnes de la Terre du Milieu ne sont pas seulement des obstacles imposants à surmonter pour les héros tolkeniens. Elles racontent des histoires de batailles anciennes, abritent des trésors cachés et servent de refuges naturels pour diverses créatures.
Prenons les monts Brumeux (Hithaeglir en langage elfique) par exemple. Cette chaîne de montagnes fictive, large de 100 à 145 km et s’étendant du Nord au Sud sur environ 1 300 kilomètres, représentent une collision entre la plaque d’Eriador avec la Comté à l’ouest et la plaque du Rhovanion avec la cité de Dol Guldur, forteresse créée par Sauron au cours du Troisième Âge.
Pour l’inspiration visuelle, pensez aux Alpes (d’âge plutôt « récent » à l’échelle géologique, donc !) avec des reliefs escarpés, accidentés et composés de roches résistantes à l’érosion, telles que du granite ou des gneiss. Mais avec un quelque chose de plus mystique.
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Plusieurs sommets et cols sont clairement identifiés dans la trilogie du Seigneur des Anneaux. Le Caradhras, illustré par le Mont Cook en Nouvelle-Zélande dans la déclinaison cinématographie de Peter Jackson de l’œuvre de Tolkien, est l’un des sommets cités dans l’univers de Tolkien.
Il est particulièrement redouté. La Communauté de l’Anneau en fait les frais lorsqu’elle tente de le franchir, mais elle finira par être repoussée par une tempête de neige. Sa partie méridionale est représentée par l’Isengard, que nous aborderons ci-dessous dans la partie sur les volcans de la Terre du Milieu.
Séparées des Mont Brumeux par une zone d’érosion nommée la Trouée du Rohan, les Montagnes Blanches (Ered Nimrais) sont une chaîne de montagnes imposantes qui s’étendent d’ouest en est à travers le nord du Gondor. Le calcaire – présent dans les constructions de la cité de Minas Tirith – et le granite semblent dominer la composition de ces montagnes.
La forteresse du Gouffre de Helm, située à l’extrémité nord des Montagnes Blanches, tire parti de cette géologie granitique pour créer une défense naturelle quasi imprenable. Encastrée dans une gorge, Fort-le-Cor bénéficie des parois abruptes et des formations rocheuses solides, offrant une protection stratégique lors de la bataille du Gouffre de Helm.
A l’extrême est de la Terre du Milieu, les Collines de Fer, quant à elles, abritent d’anciens trésors enfouis et des minerais précieux, gardés jalousement par les Nains. Imaginez des cavernes scintillant de pierres précieuses et des galeries résonnant du son des marteaux et des pioches, où chaque veine de minerai raconte une histoire de labeur et de découverte.
D’un point de vue géologique, il pourrait s’agir de formations de fer rubanées (appelées BIF), témoins d’une époque où des fluides chauds chargés en métaux circulaient à travers le fer. Ces fluides ont subi des processus chimiques de déstabilisation, précipitant ainsi de nombreux métaux précieux. Elles peuvent être ainsi exploitées pour le fer (leur composante principale) ou d’autres métaux précieux dont les Nains sont des experts.
La morphologie de ces montagnes influence ainsi les trajets des personnages, les stratégies des batailles et même le destin des peuples. Qu’ils les gravissent, les traversent ou s’y cachent, les personnages de la Terre du Milieu interagissent avec ces géants de pierre d’une manière qui reflète leur propre parcours intérieur et les défis qu’ils doivent surmonter.
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Les volcans, des géants de feu
Les volcans de la Terre du Milieu ne sont pas seulement des éléments de paysage, mais des acteurs clés dans le récit épique de Tolkien. Ces géants de feu incarnent le pouvoir et la destruction, ajoutant une dimension dramatique et menaçante au récit. Leur présence influence le destin des personnages, les événements majeurs et parfois même l’équilibre du monde.
La Montagne du Destin, ou Orodruin, sans doute le volcan le plus célèbre de la Terre du Milieu est le seul en activité à l’époque de l’épopée du Seigneur des Anneaux. Bien plus qu’une simple montagne, il est le cœur du pouvoir de Sauron et le lieu où l’Anneau Unique doit être détruit.
Ce volcan, avec ses éruptions de lave et ses fumerolles, symbolise la menace omniprésente du mal et le point culminant de la quête de Frodon. La montée de Frodon et Sam à travers ses pentes escarpées et dangereuses est une métaphore puissante de leur lutte intérieure contre la tentation. A l’écran, le Mont Ngauruhoe dans le parc du Tongariro en Nouvelle-Zélande a servi de décor pour ce lieu si symbolique.
Un autre exemple est le Mont Solitaire (Erebor). Bien que techniquement il s’agisse d’un volcan éteint dans la saga de Tolkien, il a été incarné au cinéma par le mont Ruapehu en Nouvelle-Zélande, qui est un volcan encore actif. Ce lieu joue un rôle central dans « Le Hobbit ». La montagne cache à l’intérieur une ville naine perdue et un trésor colossal, mais est également le repaire du dragon Smaug. La montagne et le dragon sont intimement liés, représentant le magma endormi et susceptible d’un géant capricieux.
Et que dire, enfin, de l’Isengard, entourée par les montagnes Brumeuses et les volcans de la région. La forteresse de Saroumane, avec son ambiance sombre aux roches mafiques types basaltiques, est un autre exemple de la manière dont Tolkien utilise les éléments volcaniques et son décor lunaire pour symboliser le pouvoir corrompu et destructeur. Les forges d’Isengard, où Saroumane construit son armée, sont alimentées par des feux volcaniques, ajoutant une couche de menace industrielle et environnementale à la trame narrative.
Les montagnes et les volcans de la Terre du Milieu sont ainsi bien plus que des décors pittoresques. Ils jouent des rôles essentiels dans les récits, ajoutant profondeur et complexité à l’histoire.
Dans le prochain épisode de cette série, nous plongerons dans les vallées, rivières et lacs de la Terre du Milieu et découvrirons comment ils reflètent des processus hydrologiques bien réels.
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